Une année sans un album de Ty Segall c’est un peu comme un mois de décembre sans noël. Après son deuxième album éponyme (vous avez bien lu) sorti au début de l’année 2017, la tête blonde du rock californien fait encore des siennes avec Freedom’s Goblin. Son dixième album solo ! Comme pour l’album précédent, le mythique et antipathique Steve Albini participe à la production de ce projet rock en roue libre. Pour ceux du fond de la classe, Steve Albini est l’ingénieur du son qui a produit vos albums préférés des 90’s. Les Pixies, Nirvana, Slint, PJ Harvey et tout un tas de groupes folichons sont passés sous sa moulinette. Voilà, maintenant vous savez.
Avec Albini dans ses bagages, Ty Segall est donc plus fort que jamais. Enfin, sur le papier. Il faut avouer que depuis l’incroyable Manipulator paru en 2014, le rockeur aux joues enfantines joue un ton en dessous. Ses deux derniers albums n’étaient pas à la ramasse, juste pas à la hauteur de Manipulator. Un disque tellement génial que Ty Segall doit très probablement le porter tel un fardeau. Celui qui empêche de voir la beauté de ses nouveaux enfants, de ses nouvelles créations. Surtout que depuis ce fameux album, tous les groupes un tantinet garage rêvent de devenir les nouveaux Ty Segall.
Notre rockeur hyperactif n’a rien inventé pour autant. Rock garage pur et dur et énergie débordante sont sa marque de fabrique. Rien de bien novateur, mais exécuté avec tellement d’entrain qu’il est difficile de faire la fine bouche. Avec Freedom’s Goblin il va devoir se réinventer. Sinon je me casse.
Sans tambours ni trompettes ! (enfin si).
Ce qu’il y a de pratique avec cet album, c’est que l’on ne met pas 3000 ans à rentrer dedans. « Fanny Dog » débarque sans préavis dans notre système son et commence déjà à nous surprendre. Les six cordes saturées s’accoquinent avec un ensemble de cuivres apportant un petit côté blues d’envergue au morceau. Ce premier titre part très vite dans tous les sens : solo de guitare, envolée de saxophone et de trompette et inspiration Hendrixesque. Le décor est posé, Freedom’s Goblin va être un grand bordel jouissif. Difficile de mieux ouvrir un album.
Au fil de l’écoute ce constat bordélique est de plus en plus évident. Il n’est est pas pour autant dérangeant. Par je ne sais quelle magie, Ty Segall garde notre attention jusqu’au bout. Un bel exploit car l’album dure 1h15. Une rareté par les temps qui courent. Il n’en faut tout de même pas moins pour nous trimbaler entre folk touchante, riffs bondissants et rock énervé. Accrochez-vous bien, il y a même un morceau néo-disco : « Despoiler Of Cadaver ». Un moment oubliable, mais il faut saluer la prise de risque. Aussi fou que cela puisse paraître, Ty Segall évite l’étrange et attise notre curiosité et notre fascination.
Folk moi comme un White Stripes !
N’attendez pas le prochain Jack White, vous l’avez probablement déjà sous les oreilles. C’est d’ailleurs étonnant de ne pas voir la comparaison entre Ty Segall et l’ex leader des White Stripes se faire plus souvent. Les deux sont bourrés de talent et révolutionnent le rock à coup de projecteur vers le passé. Sur cet album, le chant de Ty Segall nous fait beaucoup penser à son homologue du Tennessee. « Rain », « My Lady’s On Fire » et surtout « The Last Waltz » n’ont rien à envier aux talents de Jack White. J’espère que c’est un beau compliment.
À côté de ça, notre californien au visage poupin fait ce qu’il sait faire : du rock psychédélique et expérimental. « She » est un gros trip sous acide, « Prison » est très très étrange, « Meaning » n’a aucun sens et « And. Goodnight » aurait très bien pu se trouver sur la bande originale d’Apocalypse Now. Entendez par-là que ça ressemble à n’importe quel morceau des Doors.
Freedom’s Goblin est sans aucun doute l’album le plus intéressant de Ty Segall depuis Manipulator. Ce fourre tout musical dégage une telle liberté et une telle créativité que ça en devient contagieux. On a envie de sortir nos guitares du placard pour faire rugir le rock dans le garage de la daronne. Autre détail qui a son importance, l’album n’est pas disponible en streaming. Ty Segall en a tout simplement rien à foutre de ce support. Ça paye surtout pas assez. C’est tout con, mais ça ajoute un petit grain de sel au mythe et à la philosophe de ce musicien. Heureusement, y’a toujours un mec pour uploader l’album sur YouTube.
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