Réformateurs de pop-music, cascadeurs stylistiques, les Guillemots ? et c'est jouissif ? ne ressemblent vraiment à rien de connu sur leur premier disque commercialisé en France, une compilation baroque et abracadabrante de leurs premiers singles anglais. Aucune étiquette ne tient durablement sur ce plumage, aucun groupe ne semble ici une influence nette ? à tel point que, pour recruter les autres, Fyfe avait passé dans le NME une petite annonce où n'apparaissait, aveu d'impuissance, aucune référence musicale.
Guillemots (une sorte de pingouin) est une curieuse contraction de guilleret et mots choisis', et ce n'est pas un hasard. Fyfe chante ainsi l'apocalypse, les diablesses ou les oiseaux de mer parce que la réalité, franchement, est moins drôle, moins colorée. Apporte-moi des monstres/Que je puisse les occire , chante-t-il de ses défis ? c'est dire le culot, la flamboyance et l'inconscience de ce songwriter. Et même quand ses chansons, à force d'arrangements complexes et d'orchestrations alambiquées, virent parfois au grandiloquent, elles n'abandonnent jamais leur côté sympathique, car trop larguées, trop honnêtes, trop maladroites pour envisager les simples exercices de style d'art-school.Qu'il est doux et rassurant de voir, en 2006, de jeunes Anglais caresser, cajoler et honorer leurs guitares avec un tel soin, une telle patience, là où tous leurs contemporains se contentent de les prendre en force, à la hussarde, machinalement. Expérimentale et farfelue, joyeuse et débraillée, improvisée et pourtant mélodique, cette musique est celle du professeur Tournesol : légère, légère, légère, étourdie et savante, souvent sans la moindre attache avec toutes choses, vulgaires et pesantes, de la terre des vaches et des veaux. Les Guillemots composent ainsi de jolies comptines pour faire de jolis cauchemars. (Inrocks)
Les guillemots sont une espèce de petits pingouins, qui peuvent marcher, voler et flotter. Mais surtout flotter, ce qui occupe 80% de leur temps. Sur la Terre, ils sont maladroits et patauds. On parle là des guillemots de Brünnich, qui vivent sur les côtes du Canada. Une autre espèce, le Guillemots pop, vit en groupe de quatre, au sud de l'Angleterre, à Londres. Ensemble, selon des rituels étranges que les spécialistes expliquent encore mal, ils conçoivent une pop psychédélique formidablement fraîche et inventive. From The Cliffs, qui compile leurs deux premiers maxis, vient témoigner de leur capacité à trousser des chansons pop déviantes et cool. Alors, que voit-on depuis la falaise ? Des vagues qui déferlent en forme de tubes : Trains To Brazil et la sublime Who Left The Light Off, Baby? évoquent les mélanges explosifs des Dexy's Midnight Runners, entre pop et soul cuivrée, avec choeurs, rythmiques roulantes et chant funambule. Parfois, le vent tombe, la mer est d'huile et l'on s'ennuie un peu. Mais on imagine aussi les fonds marins, où tout est ralenti et gracieux. Over The Stairs déroule sur neuf minutes sa douce mélodie sur fonds de claviers et cordes, témoignage stupéfiant du talent de ce jeune groupe certainement pas manchot. (Magic)
En format EP, comme sur "Trains to Brazil", la musique de Guillemots pouvait laisser perplexe par ses aspects délurés et imprévisibles, alternant l'exceptionnel et le moins bon, voire le franchement loupé ; sous format plus long, avec pourtant les mêmes chansons, puisque "From the Cliffs" est une compilation des deux premières sorties du groupe, un plan d'ensemble commence à se dessiner. Guillemots, c'est bien avant tout Fyfe Dangerfield, songwriter fiévreux et loufoque qui marierait à merveille le lyrisme de Rufus Wainwright et l'aisance mélodique d'Ed Harcourt. Seulement, sur la longueur d'un ou deux morceaux, ça ne s'entend pas, parce que plutôt que de mettre son groupe totalement au service de ses chansons, Fyfe a choisi de les entourer d'un savant désordre. Ainsi la batterie bastonnera-t-elle, bringuebalera-t-elle lorsqu'on aurait attendu plus de douceur (le superbe "Who Left..."), la guitare se lancera-t-elle dans des digressions bruitistes un peu hors de propos (et pas toujours très heureuses, particulièrement sur scène), un morceau s'éteindra-t-il à petit feu alors qu'on l'aurait bien vu pétarader encore un peu ("Made Up Lovesong #43"). En effet, pourquoi cadrer le propos lorsque le créneau est déjà si encombré ? Et puis, il suffit d'une fois pour faire un tube (l'inusable "Trains to Brazil", qui se bonifie au fil des écoutes, et dont la partie de cuivre est ce qui s'est fait de mieux dans le genre depuis la version single du "Close to Me" des Cure), on peut donc se permettre quelques ratés. Alors voilà, avant de crier au miracle, patientons un petit peu. Au pire, Guillemots sortira un premier album bancal nanti d'une poignée de coups de génie, qui rencontrera un grand succès, puis un deuxième album décevant, et sans doute un troisième album dit "de la maturité" qui dira adieu à cette pop fantasque et risque-tout. Ensuite, Fyfe entamera une carrière solo. D'ici là, on a de quoi patienter avec cette compilation de huit titres qui, même à moitié réussie, est aussi riche que bon nombre d'albums entiers de bien d'autres groupes. (Popnews)
Depuis le phénomène Arcade Fire, la brèche ouverte dans la pop sophistico-guindée ne cesse de s'agrandir. Les Guillemots s'y engouffrent en toute impunité avec « From the cliffs », premier opus aux compositions alambiquées et imprévisibles. Le groupe s'est formé en 2003 autour de quatre explorateurs musicaux de différentes veines : Dangerfield (chant, claviers) actif dans la musique classique et l'electronica, le percussioniste Rican Caol, le guitariste brésilien Mc Lord MagRao et la contrebassiste Aristazabal Hawkes. L'improvisation et l'innovation sont la base de leur écriture, entre pop et electronica, offrant des arrangements inattendus, des rythmes déstructurés, un chant tout en nuance et des bruitages sans réserve (Who left the lights off, baby ?). Les Guillemots s'amusent et se permettent des fantaisies à l'envie, loin des codes en vigueur, rappelant parfois les débuts d'Hawskley Workman. Difficile de saisir un fil conducteur dans ce travail ouvert aux quatre vents qui irrite parfois (Go away). Exercice de style ou exploration tortueuse, avec « From the cliffs », les Guillemots évitent les carcans et restent ouverts pour toutes divagations. (indiepoprock)