Toujours aussi grandiloquentes, mais aussi beaucoup plus convaincantes, les chansons des Dears, comme Ticket to Immortality, possèdent un lyrisme venimeux et un sixième sens : celui du drame. Enfin débarrassé de l'influence aussi cocasse qu'assidue de Morrissey, Gang of Losers se découpe en deux.
A partir de Fear Made the World Go Round, slow blues et progressif, une brisure : Murray Lightburn dévoile un timbre moins lisse, plus rebelle, plus mèche folle. Et le groupe se régénère en puisant dans l'énergie black sensuelle du gospel ou de la soul. Find Our Way to Freedom bouleverse ainsi avec son passage a capella de chaudes voix de soprano et de basse ou son final grandiose de saxophone et claviers en pluie (Inrocks)
Découvert sur le tard en nos contrées à l'occasion de la sortie, en 2004, de son deuxième album, No Cities Left, The Dears fait déjà figure de vétéran du côté de Montréal où la formation peaufine une pop progressive et lyrique depuis plus de dix ans. Ici, le plus anglophile des groupes canadiens semble avoir délibérément cherché à se démarquer des clichés réducteurs qui tendaient à les cantonner dans un genre, la britpop, depuis longtemps disparu. Certes, Murray Lightburn, chanteur et leader inspiré, ne renie pas un instant sa passion pour la démesure vocale d'un Bowie ou d'un Morrissey, son attirance pour cette manière toute britannique de retourner la défaite en victoire à coup de champagne et de paillettes. Cependant, ces Losers souvent magnifiques s'autorisent désormais à développer un point de vue plus personnel, prolongeant à plusieurs reprises leur flirt poussé avec une esthétique douteuse mais courageusement assumée (les grosses guitares à la U2, un propos politico-métaphysique sincère mais pas toujours convaincant), sans jamais le consommer jusqu'à son terme. Pour peu que l'on ne rechigne pas à faire abstraction de ces quelques travers pompeux ou que l'on ne se montre pas allergique à ce lyrisme exacerbé et parfois à la limite de la grandiloquence, cette pop ambitieuse et chatoyante offre, une fois encore, bien des charmes.(Magic)