Un riff basique, une voix pleurnicheuse et quelques notes aiguës aiguisées comme des baïonnettes auront suffi à élever ce petit duo made in "Motor City", sentant la sueur et le cambouis, au rang de vedettes interplanétaires.
"Seven Nation Army", hymne rageur; simple et efficace comme une claque sur les couilles, traverse les tympans du monde entier à la vitesse du son.
Ce son brut, sauvage et sans concessions devient la "hype" absolue et déboule en boîte de nuit entre le "Toxic" de Britney Spears et la "liberté de penser pas plus loin que le bout de son nez" du nain à cheveux sales: Le "poil hérissant" Florent Pagny.
La soudaine célébrité des ex-époux White ( enfin de "Seven Nation Army !) noie l'été 2003 sous une disto' grésillante, et fait d'un morceau Rock ultime un vulgaire chant de Rugbyman éméché ou l'hymne crétin de jeunes décérébrés plein de gel et de whisky coca hantant les night-clubs et dilapidant l'oseille de papa dans un grand rire émasculé.

Après trois albums confidentiels, "Elephant" donne enfin un visage aux White Stripes.
Une carcasse imposante et gothique mais la fragilité et la candeur d'un personnage de Tim Burton pour Jack White et deux jolies couettes, des joues délicieusement rouges et une bonne grosse paire de nibards façon terroir pour la mélancolique Meg "Bouncing tits" White.

C'est aussi la sortie triomphale de ce garage sombre et enfumé où s'était fabriqué à la force du poignet, artisanalement, les premiers opus des bandes blanches. Une sortie sous les hourras, bruyante, surprenante.
Les premiers pas hors de ce cocon Rock'n'Roll sont un peu titubants, la lumière trop brillante pour leurs yeux fragiles ( Bien trop brillante pour toi Meg).
Le regard est un peu apeuré mais la tête est haute, le sourire goguenard et le Marshall à lampes chaud bouillant.

Les Stripes reprennent donc le chemin des studios deux ans après la bombe "7NA" et leur conquête du monde avec pour seules armes un médiator usé jusqu'à l'os et des baguettes en fer forgé.
Mais l'ombre de l'éléphant est grande, pesante. Meg et Jack se retrouvent après quatre albums au sommet du mont Rock'n'Roll et compte bien profiter encore un peu de l'air pur des hauteurs.
"7NA" hante encore les oreilles du monde entier et les esprits du duo.
Comment passer après une telle bombe ? Comment se relever ?
Peut on jouer sur le même terrain ? Avec les mêmes règles ?

C'est le contre-pied que vont jouer les Stripes avec ce cinquième album.
Terminé l'ascétisme instrumental, la sécheresse guitare / Batterie, le dénuement Blues originel.
Place aux marimbas, au piano et autres bizarreries à cordes.
L'album s'ouvre sur le très bourrin "Blue Orchid" https://www.youtube.com/watch?v=JsnIdx8JSBY, Rock teigneux avec un son étrange, compressé à l’extrême, qui met d'entrée la puce à l'oreille.
Les Stripes ont changé quelque chose.

C'est avec le deuxième morceau "The Nurse" que la surprise te saute à la gueule.
Un riff de Marimba, étrange, entêtant. Des grattes tonitruantes, violentes, tout autour, cernant ce pauvre marimba et détruisant la quiétude japonisante de ce drôle de morceau. https://www.youtube.com/watch?v=O1G8AngnNJc

"The Denial Twist" et "My Doorbell" avec leurs rythmes Soul, leurs pianos sautillants finissent de laisser l'auditeur dans la perplexité la plus totale. https://www.youtube.com/watch?v=AJPCgpsASPw
Jack brouille les pistes sur ce disque et nous prouve ses talents de multi-instrumentiste.
La palette s'étoffe, la couleur s'enrichit mais à bien écouter si les instruments se font plus nombreux, si les sons étonnent ou irritent, les Stripes n'ont pas changé d'un iota.

Ce piano si déroutant, ce marimba étrange sont passés à la moulinette de Jack.
Jack ne change pas. Fidèle à lui-même, il maltraite ces nouveaux instruments, s'amuse avec ses joujous tout neufs.
Sous ses gros doigts, le piano et le marimba deviennent Punk; quelques accords joués fort, une connaissance sommaire du matériau, mais l'envie, la fraîcheur adolescente toujours ancrée au fond du slip.
L'envie de faire du bruit. Avec tout et n'importe quoi.
Le costume change un peu, s'enrichit, se double de satin mais le bonhomme qui est à l'intérieur n'a pas pris un gramme.

Les White Stripes sortent intelligemment du piège "Elephant", se réinventant avec intelligence, contournant avec habileté les écueils d'un album devenu mythique.
Un album riche (Trop ?), un son léché (Trop ?), quelques errements stylistiques, mais des fulgurances Rock ("Instinct Blues", "Blue Orchid") qui prouvent encore que derrière l'apparat un peu tape-à-l'oeil, derrière les riches dorures ornant l'album, en soulevant un peu ces belles tapisseries multicolores, on aperçoit les fissures de ce mur sale et humide et l'énorme tag "Punk's not dead" inscrit dessus.

https://www.youtube.com/watch?v=mcLOsoP_--w

* Critique de "The White Stripes" http://www.senscritique.com/album/The_White_Stripes/critique/22687577

* Critique de "De Stijl" http://www.senscritique.com/album/De_Stijl/critique/22687644

* Critique de "White blood Cells" http://www.senscritique.com/album/White_Blood_Cells/critique/22687698

* Critique de "Elephant" http://www.senscritique.com/album/Elephant/critique/22687194

* Critique de "Icky Thump" http://www.senscritique.com/album/Icky_Thump/critique/22687514

Créée

le 10 janv. 2015

Critique lue 767 fois

34 j'aime

6 commentaires

Ze Big Nowhere

Écrit par

Critique lue 767 fois

34
6

D'autres avis sur Get Behind Me Satan

Get Behind Me Satan
GagReathle
7

And that was all that I needed

Après l'explosif Elephant qui signa la consécration internationale de The White Stripes avec Seven Nation Army, Jack aurait pu reprendre les mêmes éléments et recommencer, nous redonner un son rock...

le 21 déc. 2011

7 j'aime

Get Behind Me Satan
GuillaumeL666
6

Petit fantôme, petit fantôme...

La pochette de cet album est sublime. Voilà, il fallait que je commence par là puisque je ne vais pas forcément être très tendre avec la musique qu'il contient, je trouve que la photo, l'éclairage,...

le 29 mars 2021

1 j'aime

Get Behind Me Satan
EricDebarnot
8

Un coeur qui bat

Il fallait le triomphe planétaire du démesuré "Elephant" pour que Jack White murisse enfin, abandonne son petit univers clos et vaguement régressif de couleurs primaires où il s'ébattait...

le 4 août 2014

1 j'aime

Du même critique

Touche pas à mon poste
Ze_Big_Nowhere
4

Touche pas à mon despote !

J'ouvrais péniblement les yeux aux sons d'applaudissements frénétiques et mécaniques. J'étais assis au milieu d'un public bigarré, béat d'admiration devant ce qui se passait devant lui. Les...

le 3 mars 2016

244 j'aime

42

Les Anges de la télé-réalité
Ze_Big_Nowhere
1

Les Tanches de la téléréalité

12:30. Brenda se lève difficilement après une nuit arrosé avec ses amis dans une boîte à la mode de Miami. A ses côtés Jenifer, Steven et Brandon ronfle paisiblement sur les coussins multicolores...

le 28 mai 2015

227 j'aime

30

South Park
Ze_Big_Nowhere
10

American Way of F*ck

Colorado. État de l'Ouest des États-Unis. Capitale: Denver. Une superficie de 269 837 km2 pour plus de 5 millions d'habitants. Des vallées gigantesques d'un côté, les montagnes rocheuses de l'autre...

le 28 déc. 2015

200 j'aime

16