Giant
7.1
Giant

Album de Herman Dune (2006)

Depuis dix ans, de Stockholm à New York, de Berlin à Paris, David-Ivar et André Herman Düne font le bonheur de leurs très fidèles admirateurs. A chacun de ses concerts, la fratrie suédoise nomade, américanophile et ultracool, fait partager son chaleureux folk-rock lo-fi dans la plus grande des convivialités. Les fans retrouvent aussi dans les disques un peu brouillons de leur tribu fétiche (n'oublions pas le batteur, Neman) tout le sel de leurs prestations si humaines. Pourtant, les non-convertis n'y entendaient qu'une version approximative du Grateful Dead acoustique d'American Beauty. Sympathique, mais pas bouleversant. Avec Giant, premier album doté d'une production digne de ce nom, Herman Düne fait un pas de géant (1). Sans renier ce qu'il est, le groupe sonne comme ce qu'il a toujours voulu être : le pendant européen (ou apatride) de Jonathan Richman, l'éternellement juvénile enfant du Velvet qui n'a de cesse de porter le message d'un rock innocent, à l'abri de tout ce qui l'a perverti. Les amateurs de la première heure craignent déjà que « leur » Herman Düne ne perde ici un peu de son âme : trop de « vieilles » chansons présentes et, surtout, le sentiment que le plus assuré David-Ivar a définitivement pris le pas sur le plus hésitant (et donc touchant) André, rompant ainsi un fragile équilibre, fondement même du groupe. Peut-être. Mais il serait dommage de bouder son plaisir pour autant. Car Giant est un disque qui s'écoute avec une joie continue du début jusqu'à la fin. Une suite de vignettes pop aux mélodies instantanément attachantes, enrichies (mais sans ostentation) par des choeurs féminins (les Woo-Woos) et des cuivres (les flûtes quasi péruviennes du délicieux Bristol, les trompettes mariachis de I wish that I could see you soon). Un tendre carnet de voyage où chaque nouveau port d'attache ne sert qu'à songer avec humour ou mélancolie à celui que l'on vient de quitter. A l'image de Take him back to NYC, fabuleux clin d'oeil au Walk on the wild side de Lou Reed revu à la sauce Richman. Hugo Cassavetti


Dissipons tout de suite un malentendu critique : Giant n'est pas le meilleur album d'Herman Düne. Le nouvel album de nos barbus favoris ne parvient pas tout à fait à reproduire le petit miracle de Mas Cambios, l'album enregistré avec trois francs six sous dans un petit studio de Coney Island en 2003. Le disque de l'équilibre parfait entre minimalisme et profondeur, entre les songwritings contrastés de David (lyrique et bavard) et d'André (rêche, velvetien et formellement plus abouti).

Pourtant, Giant pourrait bien être l'album le plus important de l'histoire du groupe, celui qui constituerait un aboutissement en même temps qu'un point de non-retour, esthétique et structurel. Pour la première fois, les musiciens ont réussi à enregistrer le disque dont ils rêvaient, à étoffer leur son et à réaliser, enfin, les classiques folk et pop des sixties qui les obsèdent depuis l'enfance.
André, qui vit désormais à Berlin avec sa copine, est absent. C'est l'autre grand bouleversement de Giant. S'il a composé une partie de l'album et participé à son enregistrement, le plus renfrogné des deux frères a décidé de ne participer ni à la promotion, ni à la tournée de l'album. Plus mutique que son frère David donc, André incarne un peu la ligne dure d'Herman Düne. Celle qui consiste à refuser en bloc les compromis, à évoluer dans un mode de vie marginal et vagabond, dont les frères ont longtemps été coutumiers : concerts improvisés ou organisés dans des squats en ayant uniquement recours à des réseaux underground associatifs. Sans renier ce mode de vie, David et Neman concèdent aujourd'hui adopter une position plus modérée. Disque de l'aboutissement, Giant dessinerait également une ligne de scission entre les deux frères, matérialiserait deux façons différentes d'appréhender la musique et son business. Disque de la séparation, dernier disque des frères ensemble ? Nul ne peut pour l'instant le dire. Toujours est-il que Giant semble épargné par ces querelles intestines. Il souffle sur ce disque solaire enregistré en trois semaines dans les plaines retirées du pays de Galles, une magnificence et un classicisme sixties. Portés par les chœurs de The Baby Skins, manifestement inspirés par les disques du label Trojan, et une section rythmique plus percussive (Neman est secondé par Doctor Lori Schonberg, moitié de Berg Sans Nipple), les Düne laissent éclater au grand jour des influences hawaïennes et éthiopiennes (le génial Baby Bigger, interprété par André au sax ténor) jusque-là tapies. On y croise Paul Simon en grande forme et Harry Belafonte en smoking blanc (l'anthologique No Master) qui serre la pince à Phil Spector. De quoi se débarrasser à jamais de l'étiquette lo-fi qui leur collait depuis trop longtemps à la peau : avec Giant Herman Düne accouche de son premier disque bigger than life, en Technicolor. (Inrocks)


Trente-deux ans après New Skin Of The Old Ceremony, les frères Herman Düne reprennent les préceptes de productions élaborés par Leonard Cohen et John Lissauer et publient leur album le plus travaillé à ce jour, le bien nommé Giant. Bien loin de l'ascétisme indie de leurs premiers pas avec deux Silvertone et une batterie pour tout bagage, ou de l'impact monolythique de son prédécesseur, ce géant acoustique essentiellement basé sur les voix, les percussions et les cuivres marque un virage notable dans la discographie du trio à géométrie variable... Qui accueille cette fois en son sein les harmonies vocales de The Baby Skins et l'incontournable Doctor Lori Schonberg (soit Jérôme Lorichon, la moitié de Berg Sans Nipple), dont la science des rythmes d'ici et d'ailleurs s'accorde à merveille à celle de Neman : The Creator Has A Master Plan ! L'omniprésence de ses bongos apporte ainsi une unité inédite aux seize titres (sur les vingt-deux enregistrés) de ce septième et copieux album, qui évoque à la fois certaines excursions exotiques du dernier Yo La Tengo et les tambours d'Elvin Jones. Imprégnés des constructions afrobeat d'un autre docteur célèbre (Fela, pour ne pas le nommer) et des effluves jamaïcaines de Toots And The Maytals, des productions Trojan Records et de l'essentielle Susan Cadogan, le groupe ouvre le champ de ses investigations aux cuivres, dont André, au sommet de son art et avec la décontraction qui le caractérise, signe ici tous les arrangements... Sans parler de ses soli de clarinette que ne renierait pas le grand John Zorn en personne ! Manifestement en verve (sans doute l'air du Berlin où il réside et qui inspira à Lou Reed son plus bel album solo), l'aîné de la fratrie est également le responsable des meilleures chansons du disque, comme en témoignent Nickel Chrome, By The Light Of The Moon, Giant et Bristol. Ou ce No Master d'anthologie, hymne libertaire qui fédère là où le trop référencé When The Water Gets Cold de David-Ivar peine à convaincre. Mais si l'envolée artistique d'André en fait désormais l'auteur et l'interprète le plus passionnant du groupe, force est de reconnaître que ses chansons décollent souvent grâce aux interventions instrumentales de son cadet, comme sur le splendide Glory Of Old, où ce dernier dévoile des trésors de virtuosité, sa Gibson SG branchée en direct dans un Mesa Boogie. Déployant une artillerie d'instruments peu usités dans la sphère indie (scie musicale, guimbarde, flûte, marimba, ukulélé, clarinette, saxophone ténor) et de genres (folk, calypso, reggae, klezmer), Giant fait comme son prédécesseur, Not On Top (2004), la part belle aux lignes de basse calibrées soul vintage et aux choeurs façon Phil Spector (I'd Rather Walk Than Run, Take Him Back To NYC). En réveillant les fantômes des Supremes et autres Dixie Cups, The Baby Skins et Lisa Li-Lund remplacent avantageusement les chorales dissonantes assemblées pour Mas Cambios (2003). Exit la spontanéité et l'improvisation, les Düne visent désormais un classicisme certain. Et si l'on excepte deux instrumentaux superflus, les arrangements guimauve de This Summer (on songe à La Croisière S'Amuse) et quelques airs déjà entendus (la thématique "elle est loin, il est triste" et les accords mineurs qui l'accompagnent de Pure Heart ou Your Name My Game), on tient assurément là un très grand cru : on ne peut déjà plus se passer des accrocheurs Take Him Back To NYC, 123 Apple Tree (et son faux air du I Want You de Bob Dylan) et Bristol. Marchant sur les traces du prolifique Will Oldham, on ne remerciera jamais assez Herman Düne de parer son écriture de formes nouvelles à chaque disque et d'ainsi élargir la palette de son spectre musical, au risque de surprendre ses plus fervents adeptes. Qui ne manqueront pas, à mesure des écoutes, de caler leurs pas sur ceux de ce Giant.(Magic)
Il aura fallu attendre la consécration avec ce septième album lumineux et maîtrisé de bout en bout pour que le clan Herman Düne se scinde en deux. D'un côté, David et Neman assurant la promo de ce bien nommé "Giant" avec un bonheur évident, de l'autre André, plus sombre, préférant les chemins escarpés d'une écriture personnelle avec "Täglich Brot New York-Berlin" qui sort en même temps. C'est avec cette impression de fête en demi-teinte qu'il faut accueillir la nouvelle production des frangins folk apatrides. Dix ans que leur songwriting talentueux (et intensif) nous accompagne, dix ans que leur complicité donne ce style unique à la fois dépouillé, mélodieux et poétique, dix ans que leur persévérance souvent fauchée fait des émules de Paris à New-York en passant par Londres et Berlin au gré des rencontres artistiques, des tournées sans fin qui les font jouer indifféremment des scènes alternatives à la BBC. Dix ans, sept albums officiels et une flopée de projets annexes pour laisser mûrir une écriture qui s'épanouit aujourd'hui dans une production enfin digne de ce nom. Car pour ce disque, les frangins ont pris leur temps et ont su tirer parti des moyens mis à leur disposition : section de cuivres en provenance de Brooklyn, groupe vocal féminin aux chœurs (les Woo-Woos), rythmique enrichie des percussions du Docteur Lori Schönberg (Berg sans Nipple) pour une ouverture de leur répertoire à 180°. En allant enregistrer au Pays de Galles, les Herman Düne ont réussi à mettre du soleil dans leurs refrains aguicheurs sans perdre leur âme. Leur folk rock indie gagne en épaisseur et ne souffre plus la comparaison avec les ombres pesantes de Will Oldham et de l'antifolk new-yorkais comme par le passé. La mue opérée depuis "Not on Top", leur précédent album, porte ses fruits et les frangins osent aborder des territoires inédits (le jazz de la Nouvelle-Orléans, les rythmes chaloupés des Caraïbes, les réminiscences africaines) avec toujours une étonnante fraîcheur. Ici, le sax d'André fait des étincelles, les guitares calypso charrient les effluves du grand large tandis que les encouragements des uns et des autres disent la jubilation d'une jam-session. Entièrement enregistré live, en stéréo et en analogique par Richard Formby (Spacemen 3, Jazz Butcher), ce disque possède ce son chaud caractéristique des productions cuivrées de la maison Studio One. Artisan habile aujourd'hui arrivé, le groupe de freak brothers le plus hype du moment s'offre une fête magistrale, un inventaire de tout ce qui les a nourris musicalement depuis tant d'années. Impossible de choisir parmi ces chansons limpides qui semblent sortir d'une corne d'abondance sans risquer de commettre une injustice. Pourtant s'il ne devait rester qu'un titre, ce serait "Giant" dont la mélancolie pudique signe peut-être de façon magistrale la sortie discrète d'André et l'envol justifié du reste de la bande vers les sommets actuels. (Popnews)
Cela fait belle lurette que l’on avait arrêté de compter les différents projets des frères Herman Düne : entre les disques solos de David-Ivar ("Yaya") ou encore les multiples CD-R d’André, on était bien loin de pouvoir connaître entièrement toutes les facettes de ce groupe. Toujours est-il qu'un an après le très velvetien "Not on top" arrive "Giant" avec un son plus ensoleillé et décontracté qu’à l’accoutumé."Giant" est un sommet de coolitude où les frères Herman Düne - qui se partagent le songwriting de l’album - ont fait la part belle aux percussions, assurées par Neman (leur fidèle batteur) et Doctor Schonberg. La rythmique est au cœur de nombreux morceaux, comme ce No Master qui rappellera, à juste titre, l’album "Percussion" de Serge Gainsbourg. De même, le disque est gonflé d'ambiances chaloupés et jazzy comme ce Nickel Chrome emmené par une ligne de basse ronde et groovy. Toutefois, Herman Düne n’oublie pas le folk, comme sur un I Wish That I Could See You Soon qui rappelle certains titres de Jonathan Richman, dont la construction aurait été enrichie par des maracas. Baby Bigger insuffle une petite ambiance klezmer. De là à dire que l’équivalent musical de Joann Sfar se trouve plutôt du côté d’Herman Düne que des affreux Dionysos, il n'y a qu'un pas. Enfin Taking back to New York City retrouve un son plus antifolk, auquel on avait été familiarisé avec les albums solo de David-Ivar. Enfin on s'attardera sur le morceau de bravoure du disque, Your Name / My Game, où les percussions sont une fois de plus au coeur de la musique du groupe. La guitare d’André et quelques trompettes hispanisantes apportent un petit côté morriconien. Plusieurs questions se posent alors : Comment ont ils pu écrire un texte aussi formidable ? Comment fait David-Ivar pour jouer de la guitare acoustique comme s’il tapait sur des bongos ? Mais surtout, ce titre constitue un immense mille-feuilles pop que l'on passera en boucle pendant un bon moment. Le dernier album d’Herman Düne est tellement chargé d’ambiances estivales, qu’on finit par se demander s’il n’aurait pas dû sortir il y a quelques mois plut tôt. On émettra toutefois quelques réserves sur certains titres un peu trop marqués par la plage (This Summer), ou encore sur une certaine répétition dans les constructions des morceaux de David-Ivar. Pourtant, écouter "Giant" donne l’impression de se balancer dans un hamac entre deux cocotiers avec un jus de mangue dans une main, un ukulélé dans l’autre. De quoi passer un hiver au chaud. (indiepoprock)
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le 28 févr. 2022

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