L’année 2010 de Kendrick Lamar restera une année charnière dans sa carrière, en sortant le 31 décembre 2009 un projet éponyme (délaissant au passage son pseudonyme K-Dot), le jeune artiste de Compton enclencha une nouvelle phase dans sa vie artistique qui allait l’emmener certainement bien au-delà de ses espérances. Les critiques sont plus que positives et ce n’est pas son projet suivant, ‘Overly Dedicated’ sortie le 23 septembre 2010, qui va faire retomber le buzz. La cerise sur le gâteau sera apportée quelques semaines plus tard par un certain Dr. Dre qui, lors d’une interview radio quelques jours avant noël, émet le désir de travailler un jour avec Kendrick. A partir de là les choses vont s’emballer mais KL prend tout de même le temps de sortir un nouveau projet en indépendant lors de l’été 2011 avec ce désormais fameux ‘Section 80’. La suite, une officialisation sans surprise de sa signature sur Aftermath / Interscope (tout en restant lié à son label d’origine Top Dawg Entertainment), et une attente énorme entourant cette future sortie.

Le passage d’un artiste indé sur major est toujours sujet à pas mal d’interrogations, d’autant plus quand la major en question est cette énorme machine à fric qu’est Interscope, dans un passé proche avec notamment les albums de Yelawolf et Slaughterhouse on a pu se rendre compte à quel point le changement pouvait être brutal… Rapidement je suis rassuré par le casting de producteurs qui officient sur ce projet, on a un savant mélange entre membres de l’équipe TDE et beatmakers qui ont déjà collaboré avec Kendrick dans le passé, un très bon point d’avoir aux manettes de cet opus les Sounwave, Scoop DeVille, Tha Bizness, THC, Terrace Martin, Like, Skhye Hutch et DJ Dahi. On retrouve aussi à la prod 2 gros hitmakers du moment (T-Minus et Hit-Boy) ainsi que 2 références du genre (Pharrell et Just Blaze), la grande surprise étant de découvrir qu‘il n’y aura même pas un seul beat de Dr. Dre sur cet album, ce dernier se contentant de superviser et d’orienter le tout avec à son actif quelques mixes aux côtés de Derek Ali (aka MixedByAli).

La première chose qui saute aux yeux quand on découvre la pochette de cet album, c’est l’inscription « a short film by Kendrick Lamar » juste derrière le titre ‘good kid, m.A.A.d. city’, le mot film sur un support uniquement audio laisse déjà présager d’une certaine ambition pour ce projet concept qui ne s’écartera jamais de sa ligne directrice. Tout le long de cet album KL va nous raconter une histoire mettant en scène son adolescence à Compton, le tout sous forme de plusieurs chapitres dans lesquels il va mettre en scène ses relations avec sa famille, ses amis et cette fille Sherane. Grandir dans un quartier difficile comme CPT ne sera pas chose facile pour Kendrick qui se retrouvera souvent fasse à des choix cruciaux, succomber comme certains de ses amis à un style de vie locale (gang, argent facile…) ou essayer de s’en sortir autrement. Une histoire brillamment contée, composée de storytellings toutes aussi parfaites les une que les autres, accompagnées par des interludes indispensables à la compréhension de cet album.

Derrière un concept alléchant et une sélection de producteurs qui l’est tout autant, il fallait encore que l’alchimie prenne, quelques écoute plus tard le verdict est sans appel : ce ‘good kid, m.A.A.d. city’ n’est pas seulement un album Hip Hop réussi, c’est bien plus que ça. Kendrick Lamar est un MC hors pair, ce n’est pas sur ce projet qu’on le découvre, mais la confirmation de son talent est vraiment éclatante sur les 12 morceaux qui composent cet opus. Le niveau affiché sur chaque titre est assez exceptionnel, chaque flow et intonation épousent parfaitement l’ambiance du beat choisie, les textes nous plongent au plus profond de l’histoire et les refrains sont quasiment tous succulents! L’univers sonore dans lequel évolue cet album est familier à ce qu’on a déjà entendu de Kendrick, un son très moderne avec un style bien distinct et surtout une couleur musicale quasiment identique sur chaque titre. Une unité qui à aucun moment nous donne l’impression de passer à quelque chose de vraiment différent, une continuité jouissive qui nous pousse tout simplement à se lancer l’album pour ensuite se laisser porter tranquillement de morceau en morceau.

Très peu de featuring viennent se greffer à ce projet, on appréciera la présence du vétéran MC Eiht sur ce ‘m.A.A.d city’ furieusement west coast, tout comme celle de Jay Rock sur un ‘Money Trees’ déjà classé classique par beaucoup. Régulièrement sur l’album on retrouvera la voix parfaite d’Anna Wise pour épauler celle de Kendrick, notamment sur ce titre ‘Real’ qui referme l’histoire de cet opus. Dr. Dre vient rejoindre son nouveau poulain en fin d’album pour rendre hommage ensemble à leur ville de Compton, et enfin, Drake lui occupe la place du « guest tendance » sur ce ‘Poetic Justice’ samplant Janet Jackson (j’aurais bien troquer la présence de ce dernier par un double featuring de ScHoolboy Q et Ab-Soul qu’on n’entendra finalement pas sur la version standard de ce projet). Au final rien ne me dérange sur cet album, la réalisation est à tout point de vue parfaite et les choix pris sont cohérents avec le thème principal, en somme une grande réussite ! On sent que l’équipe TDE a eu les mains complètement libres pour faire vraiment ce qu’ils voulaient, profitant au passage de l’expérience d’un vieux briscard comme Dr. Dre et de la grosse promo que peut mettre en place Interscope.

Chaque morceaux à ce petit ingrédient en plus qui rend ce titre pas seulement excellent mais inoubliable, que ce soit un petit effet sonore (les snares du titre ‘Sherane’), une accroche marquante pour un refrain (« It go Halle Berry or hallelujah / Pick your poison tell me what you doin’ / Everybody gon’ respect the shooter / But the one in front of the gun lives forever » de ‘Money Trees’) ou une simple gimmick (les « uh » de ‘I’m Dying of Thirst’). Et que dire de l’orchestration et de la programmation parfaite de ce ‘Bitch, Don’t Kill My Vibe’ envoutant, tout comme ce ‘Backseat Freestyle’ que j’aurais pu détester si ce n’était pas Kendrick Lamar qui posait dessus, il tient le morceau de bout en bout. Si pour le titre ‘The Art of Peer Pressure’ ils ont repris quasiment à l’identique un beat déjà existant pour un artiste scandinave, le résultat est tellement fort que je n’ai même pas envie de leur en vouloir. Merci à la ligne de basse de ce ‘good kid’, à l’hypnotique single ‘Swimming Pools (Drank)’ et au 12 minutes du ‘Sing About Me, I’m Dying of Thirst’ qu’on ne voit pas passé, bref je m’arrête là car je pourrais faire un paragraphe entier sur chaque morceau de cet album si le temps ne me manquait pas.

Plein de multiples détails déterminants qui rendent cet album, allez j’ose le dire, fabuleux. A chaque écoute j’ai un nouveau titre favori en fonction de mon humeur du jour, tout est à prendre sur ce projet l’excellence est de sortie. Le perfectionnisme de Dr. Dre mis au service d’un pur talent comme Kendrick Lamar nous donne un résultat assez détonnant qui ne marquera pas seulement l’année Hip Hop 2012 mais une génération entière. Est-ce que ce ‘good kid, m.A.A.d. city’ est un classic ? À en croire le buzz et l’impact qu’a eu cet album depuis sa sortie, et ses ventes lors de sa première semaine de commercialisation (plus de 250 000), on a déjà une bonne partie de la réponse (moi j’ai déjà un avis bien tranché sur la question).
matic
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le 5 mai 2013

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