Une banalisation nécessaire du Sacrilège
Un cri de folie dans le paysage électronique français, ça méritait qu’on s’y penche.
Je m’explique.
Le désavantage principal d’avoir une scène électro forte dans notre pays aux milles Justice, c’est que le reste est souvent éclipsé par la mouvance dominante. Ca marche avec tous les styles, il suffit du succès d’une méthode pour éclipser toutes les autres, alors qu’elles sont tellement plus artisanales.
L’analogie du McDo, on a pas de surprise, mais on bouffe parce que c’est rentré dans les consciences comme le « par défaut », quitte à oublier qu’il y a bien mieux pour nos oreilles/bouches.
Mais assez de philosophie inutile, je sens que vous vacillez. Parlons du sujet.
Ils sont cools chez Ad Noiseam, quand même. Après les épiques sorties d’Enduser ou Niveau Zero, et après le déballage d’artillerie lourde et débilitante du 4247 Snare Drums des maintenants défunts Whourkr, ils nous livrent le nouvel opus d’un homme qui a mis un point d’honneur à breakcoriser tout ce qu’il trouve.
Et s’il s’agit d’un Hallelujah, ce n’est pas vraiment le cri d’espoir qu’a pu nous insuffler Godspeed You ! Black Emperor dans leur dernier opus partageant ce mot dans le titre, mais plutôt un appel aux enfers. L’Hallelujah ici est rigolard, cynique et malsain.
Un album grand public, quelque part.
Igorrr, donc, quand il ne fait pas du death metal synthétisé avec Whourkr, mélange tout dans son projet propre. Dans sa ligne de mire cette fois, la musique baroque et religieuse. Tout un programme, d’autant plus que le terme de ligne de mire n’est pas peu dire étant donné la précision des compositions.
Comme un énorme mixeur ayant pris plusieurs bouts de morceaux de toute sorte pour les déchiqueter selon un algorithme bien précis. A 128000 tours seconde. Pas plus. Et SURTOUT PAS MOINS.
Sans crier au miracle (et ainsi, avancer un jeu de mot d’une bassesse rappelant les heures sombres d’Anne Roumanoff, étant donné le titre de l’album en question), Igorrr a pris un niveau supérieur dans son projet de destruction totale de la musique telle qu’elle a été conçue. A une chanteuse soprane dans Tout Petit Moineau surgit un voix de fille hystérique, à la bénédiction de Dieu dans Absolute Psalm, un riff de black metal et un aspirateur. Au flamenco carré de Cicadedae, des rythmiques en liberté totale. Affaire de paradoxes, d’oppositions, de schizophrénie latente en somme. Igorrr violente avec précision tous ses samples. On est à la limite de la barbarie, une barbarie jouissive et sadique. Les bas instincts, la folie, insufflés dans la musique religieuse. Crions au blasphème. Au sacrilège. Toujours est il qu’on en avait bien besoin.
Gros coup de pied dans la fourmilière, concept tellement génial qu’il frise l’imposture, album décadent à la précision chirurgicale, Hallelujah est un concentré d’hystérie électronique totale.
Et c’est pour ça que ça méritait qu’on s’y penche.
De rien.