Hit Sale
5.6
Hit Sale

Album de Therapie TAXI (2018)

1. Cet être si brut mais pourtant si raffiné...

Il suffirait d'un léger souffle pour distinguer notre impuissance face à Therapie Taxi. Mais s'il suffisait...


L'être artificiel divise et inquiète. L'apparition robotique deviendrait un fléau, à terme du moins. Dans son approche, comment diagnostiquer une présence aussi informelle ? Hit Sale semble y répondre.
Loin de moi se traduirait une possible prévention contre le futur et ses avancées technologiques, mon point de vue moral n'étant, en aucun cas, pertinent dans ce contexte, mais le succès de cet album m'interroge et me turlupine.


Il me semble distinguer un message pré mâché dans cet objet d'une lubricité relative, aux limites extravagantes entre un rap bourgeois et maniaque et un concept pop sans panache. Néanmoins, la vulgarité des textes m'effraie. Suis-je devenu vieux ? Suis-je, au contraire, trop jeune pour apprécier ce doux artifice ?


Prenons Cri des loups. La musicalité me rappelle des épopées (peu) glorieuses d'une époque révolue. Drôle d'impression que cette répétition agressive. Dans les textes ou dans sa tenue, le morceau fléchit vers un produit hybride calibré pour un public spécifique. Grâce à de l'electro-pop au rabais, on peut tout imaginer, mais rien construire. Il est possiblement mort. Ou cryogénisé. Mais on continue de jouer avec. La distorsion des sentiments, l'accompagnement de l'émotion facile, l'impossible distinction entre ce groupe et un autre produit fade pour son public. Comment distinguer Fauve et ce groupe s'il s'agissait d'utiliser cette même chanson ?


Prenons SALOP(E). Mon amour pour la vulgarité prend toutes ses formes lorsqu'il m'arrive d'écouter Girlfriend de TTC, formule musicale sensiblement déficiente et heureusement ironique permettant de distinguer message et simple délire, aussi avilissant possible. Chez Therapie Taxi, le sens de la formule est plus gênant. Au service du vulgaire, trouvons de l'amour ! Sauf que cela traduit un manque d'originalité, une formule puérile de l'amour si destructeur, mais également une présence bien trop présente de la vacuité. Bien qu'abstraite, elle s'exprime par l'établissement d'un manque de puissance et de prestance après la conclusion de cette piètre chanson. Pire, on l'oublie. Mais puisque la chanson se veut transgressive, on devrait s'émoustiller quant à sa représentation. Malheureusement, la chose étant prévisible, la manifestation d'une telle altérité n'apporte qu'une réaction tendancieuse entre l'ambiguïté et la réalité des faits. En bref, de l'esbroufe, aussi rasoir qu'un discours de Castaner.


Prenons Coma Idyllique. La mélodie lyrique se structure étrangement autour des couplets de la précédente chanson - comme un manque de talent. La musicalité est proche de l'impuissance artistique proposée durant l'intégralité de l'album. De plus, cette chanson apparaît telle une symbiose du néant abyssal qui parasite l'intégralité du projet. L'émotion, si factice, ne caractérise aucune interrogation, si ce n'est celle de la remarquable capacité du groupe à trouver des points d'attraits vers les thématiques les plus communes de la dite jeunesse française.


En revenant vers cette représentation de la jeunesse... Du moins, on a franchi un cap dans cette relative insouciance. Entre un conformisme assumé et une pensée zéro, par la force de frappe du pop-rap de CSP+, le groupe semble s'interroger sur l'altérité des sentiments, des relations et, allons-y, de la vie. Car il n'y a peut-être pas plus basique et générique qu'un groupe pareil. Toutes les références sont lourdes, grossières et pompeuses à souhait.


Mais le public se retrouve dedans. Par facilité ? Sûrement. Par impuissance ? Aussi. Je retrouve surtout une pop fadasse et faussement jeune, tout simplement tendancieuse et minablement artificielle. Mais le travail reste intéressant à analyser. Le groupe sait pertinemment quel est son public : le cahier des charges est parfaitement respecté. D'une musicalité maladroitement aérienne vers un langage volontairement outrancier (et ringard au possible), on parle à une jeunesse (adolescents/post-adolescence/adulescents) facile et maniable à sa guise. Bien évidemment, le groupe ne parle qu'à une certaine jeunesse. Je ne souhaite pas remettre en cause l'exclusivité de ce projet, mais il est évident que les thèmes n'ont d'attrait qu'auprès d'une catégorie dite privilégiée de la population. Ne serait-ce que dans l'imagerie du groupe ou dans le contenu des textes. On parlera aux étudiants, à la classe moyenne supérieure et voilà. Ou comment transgresser l'uniformité d'un monde social vers un conformisme puant et fragile.


Exclusivement centrée autour d'un passage vers l'âge adulte, la composante de l'album rappelle les heures les plus graves de l'épopée Fauve. Mais, bien évidemment, en respectant les codes du public : on se sent brut pour choquer le petit-bourgeois, mais un petit cœur tout mignon et tout doux se cache derrière cette sensibilité outrageuse... ou comment être désabusé et ringard avant l'heure.


L'approche quasi-robotique de l'exposition des sentiments rend la chose aussi misérable que la pochette et l'entièreté de l'imagerie du groupe. Mais on se sent jeune et dynamique.

Amomo
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le 18 mars 2018

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