Au détour d'un plateau de télévision j'ai entendu Michael Kiwanuka jouer de la guitare. Juste elle et lui. Et c'était plutôt réussi, tant et si bien que j'ai décidé d'écouter Home Again, son premier album sorti début Mars. Je vais briser le suspens insupportable, la première impression fut bonne. Dans une ambiance rétro mais bien rafraîchie, j'ai pris du plaisir à découvrir ce nouveau timbre et ces rythmes inusités depuis les années 60-70. Cet album est un subtile mélange entre Otis Redding, Ben Harper et, aussi surprenant que cela puisse paraître, une pointe de Claude François.
Je m'explique. J'aurais bien aimé être moins hétéroclite, mais il s'agit vraiment des trois personnes qui me sont venues en tête durant toute l'écoute.
Comme bien souvent lors d'un premier opus, il suffit que la nouveauté soit assez surprenante pour que l'on crie au génie ; M.Kiwanuka n’échappe pas à cette ineptie et on le compare déjà Bill Withers... Certes les influences Soul-Américaine sont présentes. Et c'est d'ailleurs avec joie qu'un morceau comme « I Won't Lie » nous plonge dans les années 60 outre-Atlantique. Mais un peu de retenue est de mise lorsqu'un garçon de 24 ans débarque dans un style que les plus grands ont marqué au fer rouge. C'est d'ailleurs une difficulté non négligeable de nos jours lorsqu'on décide de jouer sur les plates-bandes de Monsieur tel que Otis Redding ou Marvin Gaye, il faut être bon ou c'est le pugilat. Heureusement pour lui Kiwanuka dépoussière le genre et lui redonne la place qu'il mérite sur la scène musicale, à savoir une grande place.
La comparaison à O.Redding ne fait pas de doute, tant par la voix que par la façon de chanter, on retrouve presque « Sitting On The Dock Of The Bay » avec « I'll get along ». Pour faire court sur cette comparaison, c'est tout l'album qui fleure les années soixante, ne serait-ce que dans le set instrumental, les textures musicales ou les rythmes utilisés. Il a même osé réutiliser, et soyons franc, avec brio le concept de chœur à peine gospel sur certains refrains (Bones). Mais ce que je trouve plus passionnant c'est le pouvoir qu'a eu Kiwanuka à renouveler le genre sans pour autant le dénaturer. Les jurés d'un télé-crochet s'emploieraient à marteler qu'il s'est « approprié » le genre.
Cela commence avec l'intronisation de la flûte ou flûte de pan ! Si cette idée m'a au début dérouté, c'est en réalité la touche de nouveauté qui vient relever les morceaux « Tell Me A Tell » et « I'll Get Along ». Sans doute c'est ce qui m'a fait penser à Claude François, cette flûte a un effet bien plus important que de servir de fond sonore. Elle souffle la légèreté aux morceaux et les transporte dans le domaine de la chanson dont on garde un bon souvenir car cet air léger donne le sourire. Les changements de tempo dans la même chanson sont autant de petits plus qui accroche l'attention et comme ils sont réussis pour la plupart on aime se faire surprendre en ré-écoutant plusieurs fois chaque chanson. Je n'ai pas non plus souvenir d'avoir des arrangements aux violons sur les premiers albums de Bill Withers, alors qu'ici ils sont présents, discrets, utiles et loin d'envahir tout l'espace comme sur l'album Born To Die de Lana Del Rey. Cet ajout accentue la sensation de se laisser porter par les chansons, de façon légère, jamais forcé par un torrent de cordes. On se surprend même à écouter les petits accords de piano en regrettant la fin de l'album sur « Worry Walks Beside Me ».
Pour ce qui est de la comparaison à Ben Harper, elle apparaît lorsque Michael Kiwanuka décide de se passer de cuivre et de se concentrer sur sa guitare. « Home Again » fait partie de ces chansons, de même que « Always Waiting ». Ce sont de ces chansons qui me font regretter le temps où Ben Harper tournait avec les Innocent Criminals et leurs rythmes Soul si groovy. Enfin...
Les textes ne sont pas en reste, se proclamant de Bob Dylan (car oui Bob Dylan est une religion) il reste dans la grande tradition des chansons des années 60 à savoir des textes sur les sentiments, le manque et l'envie de l'autre (Rest). S'il n'atteint pas la quasi-poésie de Dylan, les phrases tombent juste. Je ne me lasse pas de la déclaration d'amour inscrite dans « Bones », parfois quelques mots suffisent mais ceux-ci doivent faire effets à chaque fois : « I guess I would leave this world alone, 'cause without you i'm just bones ». Avouez que la gente féminine est gâtée tout de même. Même « Rest » est joliment ciselé « I won't let you go, go on a hurry. I won't let you cry, without a hand to dry ».
Étant donné qu'un premier album ne peut pas être parfait ( s'il était parfait, il n'y aurait plus de progression possible et donc Kiwanuka serait obligé d’arrêter la musique ce qui serait dommage, n'es-ce pas?), il manquait donc forcement quelque chose à celui-ci. Après avoir cherché quelques temps, l'évidence s'est jetée à mes oreilles. Il aurait été impensable qu'un album de Soul soit lâché dans les bacs sans qu'il contienne un Slow ! Qu'aurait été l'album Otis Blue sans « I've Been Loving You Too Long » ? Car en plus d'avoir inspiré toute la génération des années 50 ( Francis Cabrel l'a adapté en Français sous le titre de « Depuis Toujours » sur l'album Hors-Saison), elle a surtout grandement participé au Baby Boum !
Je ne pense pas qu'une des chansons de Home Again puisse faire office de slow à proprement parlé. Ce sera la seule fausse note de cet album dans l'ensemble plus que réussi pour un premier jet. Cet « oubli » n’enlève en rien au talent du jeune Michael Kiwanuka. La tâche la plus dur pour lui commence, faire vivre sur scène toutes ses chansons. Lorsqu'on est comparé à Otis Redding on se doit de faire une fête, un événement de chaque concert. J'ai la chance d'avoir un vinyle live de ce dernier. L'énergie transmise est phénoménale. Je souhaite que les concerts de M.Kiwanuka soit aussi envoûtant et il pourra alors mériter son titre de Redding des temps modernes !