Humble Quest

La vibe Linda Ronstadt-in-Laurel Canyon de Humble Quest n'est peut-être pas ce que vous attendiez de Maren Morris à ce stade - bien qu'étant donné son arc de carrière de ballet aérien, il était difficile de savoir à quoi s'attendre. Elle a percé en 2016 avec un joyau de gospel séculaire ("My Church"), a décroché un mégahit avec le DJ/producteur Zedd ("The Middle"), puis a rejoint les Highwomen, un supergroupe qui rend hommage à la country outlaw des années 1970 et la réécrit. Son dernier disque a été réalisé pendant la dépression post-partum qui a suivi la naissance de son premier enfant, une obscurité aggravée par la perte de Michael Busbee, son assistant créatif de longue date, emporté par un cancer du cerveau, et amplifiée par la pandémie. Pourtant, la musique de son troisième album est largement joyeuse et lumineuse, à la fois ludique et profonde, pleine de plaisirs faciles et confortables qui semblent plus profonds parce que durement gagnés.

Dire que Humble Quest est un retour à la country est trompeur dans la mesure où cela suggère que Morris, qui peut évoquer une Amy Winehouse texane, n'a jamais été un ajustement parfait pour le genre, ou qu'elle a jamais aspiré à l'être. Cela dit, l'album est une expression presque parfaite de la country-pop post-Golden Hour, le point culminant de Kacey Musgraves, l'amie de Morris dans la Lone Star : une musique canalisant le rock californien des années 70 qui a canalisé la chanson country classique. Humble Quest est peut-être agrémenté de pedal steel, de dobro et de mandoline, mais il fonctionne avec des guitares, des synthés, une grosse batterie et des refrains plus importants. Le tout est façonné avec l'aide de Greg Kurstin, un maître de la triangulation pop-rock-soul qui a produit le tube de Morris "The Bones" ainsi que des projets d'Adele, de Sia et de Beck (dont Sea Change et Morning Phase pourraient s'avérer des pierres de touche de la côte ouest aussi importantes pour une nouvelle génération de groupes country que Greatest Hits des Eagles l'a été pour la précédente).

Fondamentalement, c'est le premier LP de Morris sans le producteur polymathe Busbee - co-auteur de ses signatures "My Church" et "80s Mercedes" - qui est décédé d'un glioblastome en 2019 à l'âge de 43 ans. Son absence, et son talent pour adapter le country rock au 21e siècle, assombrissent l'album, à commencer par la chanson principale et le premier single "Circles Around This Town", une plaint autobiographique triomphante sur la vie d'un aspirant auteur-compositeur de Nashville. Faisant référence à ces premiers succès et reprenant les concepts de leurs voitures, il se concentre sur la lutte pour arriver : Il y a "une Montero avec la climatisation cassée", quelques "mauvaises démos sur un CD gravé", des portes claquées et les "quelques centaines de chansons" qu'elle a dû exorciser pour percer, qu'elle invoque juste au moment où la musique s'arrête et où le refrain surgit. L'absence de Busbee couronne également l'album : La modeste et douloureuse ballade au piano "What Would This World Do", écrite par Morris après son diagnostic mais avant sa mort, demande ce que le monde deviendrait sans lui. Elle vit la réponse quotidiennement, en jouant son piano dans son sous-sol.

Si l'obscurité colore le décor, il en va de même pour le ravissement de la maternité. Le jour où elle a découvert qu'elle était enceinte, Morris a écrit "Hummingbird" avec l'aide des doulas de l'écriture de chansons, les Love Junkies : Liz Rose, Hillary Lindsay, et Lori McKenna, toutes des mères. Cette valse acoustique n'est pas la meilleure chanson du catalogue du trio A-list, mais elle montre comment la voix de Morris peut alchimiser un texte banal, avec un flux de sorgho ancré aussi profondément dans le R&B que la countrypolitaine de Patsy Cline qu'elle a grandi en faisant du karaoké (regardez sa lecture de "All Night" de sa compatriote texane, Beyoncé). Les maniérismes gospel et soul sont monnaie courante chez les chanteurs de country grand public, mais peu d'entre eux ont la nuance et la fluidité de Morris ; elle semble déjà être l'un des stylistes les plus influents de la country moderne.

Humble Quest est soutenu par le partenaire de Morris, l'auteur-compositeur-interprète Ryan Hurd, qui a connu un succès dans le Hot 100 avec "Chasing After You" l'année dernière, leur premier vrai duo. En l'interprétant de manière adorable lors des AMAs (en se regardant et en se touchant), ils sont devenus le nouveau premier couple de la musique country. Leur lien créatif semble fort : en plus de contribuer aux voix de fond, Hurd a coécrit "Circles Around This Town" et "I Can't Love You Anymore", sur laquelle Morris fait rimer avec dévotion "You like me even when I've been a bitch" avec "You're so good lookin' it kinda makes me sick". Avec un mètre quatre-vingt-dix contre un mètre quatre-vingt-dix, Hurd semble également être une inspiration évidente pour "Tall Guys", un hymne aux punchlines de Morris, de sa collègue Highwoman Natalie Hemby et du jeune auteur-compositeur Aaron Raitiere.

La liste des co-auteurs semble être la clé de la puissance hybride de Humble Quest. Par moments, l'album ressemble autant à un disque conceptuel sur l'artisanat de Nashville qu'à un simple mémoire, ce qui suggère que ces éléments sont indissociables dans le monde de Morris. Le refrain du début évoque le fait que Morris "essaie d'écrire des cercles autour de cette ville", et l'album en montre les résultats les plus récents. Alors que la frontière entre la country et la pop devient de plus en plus floue, le travail de Morris avec des auteurs en dehors de l'écosystème de Music Row est le plus éclairant. Kurstin, qui n'avait jamais produit d'album country auparavant, a coécrit quatre chansons, dont " Detour ", un hommage folklorique aux personnes qui empruntent des routes moins fréquentées, qui est également signé par l'Australienne Sarah Aarons, coauteur de " The Middle " et de chansons de Khalid et Halsey. Julia Michaels, autre auteur de "Circles Around This Town", a façonné des mégahits pour Selena Gomez et Justin Bieber.

Même si l'album dure 37 minutes, il y a du remplissage : "Good Friends" et "Nervous" ne dépassent pas leur thème de base, même si la voix de Morris les élève, la première avec un flow chaud et enivrant, la seconde avec un chant rock et soul rappelant Janis Joplin. Humble Quest évite notamment les chansons sensibles aux problèmes comme "Dear Hate", la réponse poignante de Morris à la fusillade du festival de musique country de Las Vegas en 2017, ou "Better Than We Found It" ("America, America/God save us all/From ourselves and the Hell/That we've built for our kids"). L'évolution de sa relation avec l'activisme public semble évidente dans la chanson titre, un country-pop "I Still Haven't Found What I'm Looking For" qui semble interroger ses propres tentatives d'allié, qu'elle aspire à rendre "plus proactif et moins réactif", comme elle l'a récemment déclaré au New York Times. Cet élan est admirable : Le monde de la musique, comme le monde en général, a besoin de plus de gens qui joignent l'acte à la parole sur les médias sociaux. Et au final, Humble Quest porte bien son nom : 11 chansons légères sur l'amour, le travail et la famille, certaines excellentes, d'autres bonnes, avec une cohérence et une clarté qui les rendent magistrales.