Eh bien la même qu’entre un bon et un mauvais album d’Anna Calvi, mon p’tit Bébert. J’t’explique : dans l’bon album, y’a d’la guitare, des envolées lyriques, et ça fait des morceaux pas dégueulasses à l’oreille, parole de Dédé. Et dans l’mauvais, ben y’a d’la guitare, des envolées lyriques, ça fait des morceaux pas chiants pour deux sous, mais… ben c’est pas aussi bien que le bon album.
Du haut de son mètre cinquante-deux, Anna Calvi avait placé la barre très haut avec son précédent album One Breath, que je considère toujours comme une des meilleures choses qui me soit arrivée auditivement cette année (lire ma critique de One Breath ici). Autant dire que Hunter m’a déçu. Sans être un vautrage non plus, car la petite Anglaise a du talent, et le disque reste dans l’ensemble plaisant et cohérent dans sa progression. Mais bien moins rafraîchissant et excitant que ses deux précédents projets. L’impression d’être passé d’un étoilé au Flunch, et même la formule déjeuner à 10,50€ avec frites et légumes à volonté ne saurait atténuer ma déception.
Plutôt pêche à la ligne
Tout commençait pourtant plutôt bien, avec une première moitié d’album plutôt solide dans l’ensemble. On y retrouve toujours le jeu de guitare et la sensualité réconfortante de la chanteuse, mêlés à une instrumentation un peu plus dépouillée que sur l’opus précédent. Cet assemblage est très bien exécuté sur le morceau-titre Hunter, hymne au plaisir et à l’expérimentation sexuelle, où la délicatesse des violons et claviers vient draper les sonorités torrides renfermées par la voix suave de la Britannique et sa guitare. D’abord contenues et timides, elles se répondent dans un dialogue passionné et rempli d’érotisme, pour enfin exploser à l’unisson, comme unies dans une même jouissance libératrice. Une vraie réussite.
La deuxième moitié est plus confuse, et sans être totalement mauvaise, elle manque parfois de rythme et se perd en longueurs, comme sur Wish. Toutefois, chaque morceau développe son univers propre et s’enchaîne de manière cohérente avec le précédent sans jamais réellement susciter l’ennui de l’auditeur.
Alors, pourquoi une note aussi basse me diriez-vous ? Deux reproches majeurs : Premièrement, cet album est en tout point inférieur à ses prédécesseurs et manque de morceaux marquants. Deuxièmement, sur certains morceaux, Anna Calvi donne l’impression d’en faire un peu trop, et tourne à la caricature.
Broucouille, ou presque
Plus engagé, Hunter se veut porteur d’un message fort, celui de l’émancipation de la Femme et de l’abolition des codes sociétaux hétéronormés. Si on ne doute pas une seule seconde de sa bonne volonté, on ne peut malheureusement que constater que le message prend parfois le pas sur la musicalité. Sur le morceau introducteur As a man, la chanteuse décrit son ambiguïté homme/femme avec légèreté en mocassins pour ensuite arriver avec ses gros sabots sur les crispants Alpha et Chain, à grand renfort de slogans militants assez creux répétés en boucle (j’ai arrêté d’écouter au bout du trentième I’ll be the boy you’ll be the girl). Ajoutez à cela quelques solos de guitare à côté de la plaque (Indies or Paradise notamment) et quelques envolées vocales malvenues (La fin de Don’t Beat The Girl Out of my boy pourrait être un meme auditif), et vous comprendrez ma frustration.
Alors qu’on se le dise, si je ne connaissais pas Anna Calvi et que je la découvrais avec cet album, la note finale serait sans doute plus importante. J’aurais probablement été émerveillé par les sommets lyriques atteints sur Swimming Pool ou Eden, et captivé par la fougue des guitares de Don’t Beat the Girl out of my boy. Mais ici, je ne peux passer outre ma déception, et quand il faudra replonger dans sa discographie, Hunter sera probablement chassé hors de ma liste d’écoute. Broucouille, donc.
- En quelques mots : Repartir broucouille d’une chasse à la gallinette
cendrée
- Coups de cœur : Hunter
- Coups de mou : RAS
- Coups de pute : Chain
- Note : 4+