Un chef-d’œuvre et un excellent sophomore plus tard, Nas revient pour le fatidique troisième album ; celui par lequel se révèle vraiment les capacités à tenir sur la durée. Le 1er peut être une erreur de jeunesse (pas pour lui en tout cas), un tour de chauffe. Le 2ème où des mises au point sont encore nécessaires, mais au 3ème le droit aux boulettes doit être gommé. En quelque sorte un âge de raison, de maturité.
Si l'on en croit le titre, "I Am..." se veut être un self-titled qui apparaît généralement en pole-position dans la vie musicale d'un artiste. Le rappeur du Queens a donc attendu sa troisième sortie en long-courrier pour l'accoucher. Ce fameux âge de raison justement ? celui de l'introspection ? de la sagesse ? A en croire de prime abord la pochette, une incarnation en pharaon laisserait supposer ces suppositions, ou pour les plus tordus un espèce d'ego trip dans la peau de la plus haute dignité chez les Égyptiens, de surcroit avec de la dorure.
Quoiqu'il en soit, ce I Am... n'a pas que des amis dans le cercle pas souvent rond du hip-hop. Cela peut se comprendre car on sentait déjà Nas proposer des morceaux beaucoup plus lissés et accessibles que ne le furent ceux de Illmatic. Ici, le ton hardcore est certes présent ("N.Y. State of Mind Pt. II", "Small World", "Ghetto Prisoners" pour ne citer qu'eux), mais le coeur-même de la galette recèle des passages plus que douteux ("You Won't See Me Tonight", "I Want to Talk to You", "Money Is My Bitch" et l'insipide "Big Things").
Pourquoi diable dénigrer cet album ? Certes il contient des pistes inutiles, mais également des morceaux très bons voire incroyables ("Small World", "Favor for a Favor", "Nas Is Like" et "Undying Love").
Mais le problème majeur est l'inconstance. Les morceaux sont vraiment trop disparates en terme de qualité, de production et de featurings (ah cette piste #8 avec Aaliyah est une horreur !). C'est probablement cette impression de pot-pourri qui donne à I Am... cette réputation aussi peu flatteuse. Dommageable car les moments de grande satisfaction se voient sinon oubliés, du moins fondus dans la masse. Et puis autre chose, 65 minutes ça fait longuet pour une production qui s'égare dans du remplissage. Là aussi est le (grand) danger de claquer plus d'une heure quand on ne tient pas sur la durée. Deux ou trois skits auraient été bien plus judicieux que des chansons qui n'apportent rien et, a contrario, assassinent les instants lumineux.
Alors le constat, loin d'être sans appel, est très mitigé. On l'aura compris. En gros c'est une histoire de tiers. L'un est très moyen voire mauvais, le deuxième oscille entre le bon avec du potentiel sur d'éventuels remix, et enfin le dernier tiers s’attelle à sauver l'album du naufrage.