Peut-on citer en vrac ABBA , Depeche Mode, Rocky Erickson et Army of Lovers tout en créant un scandale à base de satanisme flamboyant ?
Facile, enfin si on s'appelle Ghost.
Appuyés par un Dave Grohl extatique, les Goules Anonymes et leur Pape Emérite s'étaient déjà fendus d'un premier LP absolument incroyable.
L'art de la reprise est difficile, et Ghost s'en tire à merveille. Il faut dire que le background du groupe joue beaucoup. On a droit à une joyeuse bande de satanistes théistes plus ou moins sincères, (de nombreux clins d'oeil de notre bon Papa Emeritus II (ou III on s'y perd) nous mettent sur la voie), singeant le catholicisme le plus strict, mître incluse, qui reprend à son compte des morceaux qu'on n'aurait jamais imaginé pouvoir entendre sous une tente du Hellfest...et pourtant !
Ici Marionnette de ABBA gagne encore un niveau sur l'échelle de Jacob, devenant encore plus malsaine que l'originale qui était étrangement déjà pas mal dans le genre (si si, c'est une chanson d'ABBA qui fait vraiment peur). Crucified est transcendée et devient une merveille obscure et dramatique au possible, la vraie réussite de cet EP si vous voulez mon avis. If You Have Ghost (le "s" du pluriel est bien sûr occulté) devient un slogan arrogant et finalement assez vérace. Enfin, Waiting for the Night, le vampirique morceau du meilleur album que Depeche Mode ait pondu sous le soleil trouve ici une légitimité incontestable.
Quant au morceau Secular Haze, composition originale, ici proposée en live, on y retrouve l'essence même du groupe. Nombreux ont comparé Ghost à Black Sabbath, et c'est vrai qu'il y a une filiation évidente, mais, avec ce chant clair sur des ambiances plombées, on retrouve d'avantage de l'héritage de Blue Öyster Cult et, sur ce morceau comme sur d'autres (Monstrance Clock) , peut-être inconsciemment, énormément de Music Machine. Le groupe des 60s avait en effet combiné son rock psychédélique à une imagerie étrangement sombre, chaque membre portant un unique gant de cuir noir et un signe kabbalistique autour du cou pour le différencier de ses collègues. Ghost, avec ses Nameless Ghouls portant masque ou capuche est en effet un casse-tête pour ses roadies qui doivent apprendre les subtilités des symboles de leurs costumes pour reconnaître chacun des membres.
Cet EP n'est que la partie visible d'un noir iceberg, Ghost révèle à qui veut bien s'intéresser au groupe des trésors de finesse, d'humour et de putain de bonne musique, ça serait un peu dommage de rater le coche. Et puis, argument biaisé fatal, avec une couverture reprenant Nosferatu, impossible de se planter.