Jimmy LaValle, alias The Album Leaf, est natif de San Diago mais nordique dans l’âme. Il s’est rendu en Islande pour enregistrer son troisième album accompagné du groupe Sigur Rós, qui lui a gracieusement mis à disposition son studio ainsi qu’une partie de ses musiciens : entre artistes de post-rock, on s’entraide. Le groupe Amiina, section de cordes collaborant avec Sigur Rós, s’est également joint au projet.


L’album issu de ces sessions, In a Safe Place, prouve que les collaborations peuvent engendrer des miracles. Envoûtant, relaxant, rassérénant, il est à l’image des vastes terres islandaise. La froideur de ces terres n’est pas hostile mais apparaît comme un bienfait pour qui dispose d’un cocon pour en admirer la splendeur derrière sa fenêtre. C’est d’un œil distrait que l’on observe alors les flocons de neige tombant dans les vallées venteuses.


Flirtant avec le downtempo, le style de The Album Leaf fait surgir des reliefs inopinés pour mieux les adoucir. Xylophone, violon et guitare cristalline se calent de façon limpide sur une trame électronique constituée de beats feutrés et de synthétiseurs somptueux. Jimmy est un adepte du Fender Rhodes, instrument au toucher délicat, qu’il manie à la perfection. On dirait qu’un ange l’a effleuré du bout du doigt pour lui souffler ses mélodies.


Il parvient à suspendre le temps et à aligner plusieurs moments de pure sublimité au sein d’un même morceau, comme par exemple sur « The Outer Banks » dès les premières notes de synthé puis à 00:15 quand la section rythmique intervient puis à 00:31 quand le xylophone arrive puis à 1:34 quand la mélodie reprend d’un rythme plus vif puis à 02:03 lorsque le violon fait son apparition puis à 02:35 quand la tension se relâche puis à 03:04 quand reprend le violon puis à 03:34 lorsque l’orgue prend tranquillement le dessus…


C’est comme découvrir la multiplicité des paysages islandais en accéléré. « Eastern Glow » donne une sensation de dévoilement : cette lueur à l’est, région de fjords magnifiques, est porteuse d’espoir. Comme sur « On Your Way », Jimmy y fait entendre sa voix posée, ce qui participe de la diversité des atmosphères entendues. Sur « Over the Pond », c’est Jónsi de Sigur Ros qui chante dans la langue qu’il a inventée, le volenska, accentuant l’étrangeté onirique de ce titre où le piano joue comme à reculons.


In a Safe Place donne vraiment la sensation de se trouver en lieu sûr, au point que l’on souhaiterait presque le garder pour soi. Il va sans dire que quand Jimmy joue ce chef d’œuvre en intégralité dans une petite salle de concert, ajoutant des éléments nouveaux dans ses textures tout en restant parfaitement fidèle au déroulé et à l’esprit de l’album, et que ces sonorités résonnent de façon encore plus présente, vibrent littéralement dans l’air confiné… On a l’impression de vivre un moment privilégié et hors du temps.

Kantien_Mackenzie
9

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le 13 juin 2020

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