Steven Wilson has a Mastertape
Curieux personnage que le très estimé Steven Wilson. Navigant de la musique psychédélique au métal en passant par le rock progressif, le chanteur aura poussé son groupe Porcupine Tree dans de multiples directions au gré de ses inspirations. Au début des années 2000, c'est le métal qui trouve ses faveurs, suite à une rencontre avec Mikael Akerfeldt, leader d'Opeth. Ça tombe bien, rythmiques appuyées et riffs saturés collent à merveille aux thématiques sombres auxquelles Wilson souhaite s'attaquer ; il se dit alors fasciné par les sociopathes, serial killers, kidnappeurs d'enfants et autres individus peu recommandables (curieux personnage en effet).
Mais attention, Steven Wilson se fiche bien des crimes et des criminels en eux-mêmes. Ce qui l'intéresse c'est la différence entre l'esprit d'un psychopathe et celui d'un individu "normal", la pièce manquante qui fait qu'un tueur sadique s'avère incapable d'éprouver de la compassion ou de l'empathie pour ses victimes. Wilson s'interroge sur "l'absence d'âme" qui caractérise ces personnes, d'où le titre de l'album, In Absentia.
Bon, maintenant que les présentations sont faites, place à la musique !
In Absentia, plus que les autres œuvres du groupe, se situe à la croisée des genres. Les nouvelles influences de Wilson sont bien là, mais Porcupine Tree n'oublie pas le rock progressif de ses débuts ; il en résulte un ensemble de compositions tantôt aériennes et tranquilles, puis agressives et tourmentées, mais jamais aux dépends de la mélodie. La première chanson Blackest Eyes résume bien cette direction générale : des riffs lourds encadrent les couplets tranquilles aux paroles sordides, énoncées sur un ton presque guilleret par la voix douce du chanteur. Les genres se juxtaposent, sans trop se mélanger pour l'instant ; le pas sera franchi quelques minutes plus tard avec le sublime Gravity Eyelids.
Les émotions se succèdent avec les morceaux : la nostalgie douce-amère de Trains, la lucide désillusion de The Sound of Muzak ou encore l'inquiétant The Creator has a Mastertape, pour s'achever avec la mélancolie pleine d'espoir de Collapse the Light into Earth.
L'ensemble s'écoute d'une traite, l'album prenant son temps (environ 70min) tout en maintenant son auditeur en alerte, puisque Porcupine Tree délaisse ici les compositions tapant dans la dizaine de minutes au profit de formats plus courts et homogènes, à l'enchaînement plus dynamique (ce qui ne l'empêche pas de faire un clin d’œil appuyé à ses premières amours avec le très "floydien" Prodigal).
Là réside sans doute la force d'In Absentia : le groupe y mêle le meilleur de ses divers registres musicaux, sans jamais se trahir ni tomber dans la caricature. Le résultat se révèle être remarquablement facile d'accès sans pour autant perdre sa profondeur. Aucun morceau n'est "moyen", l'album est constant dans sa qualité, de sorte que je n'ai aucune raison valable de ne pas lui accorder la note maximale.
D'ailleurs Steven Wilson lui-même semble d'accord :
"In retrospect, I can say it was probably the best … possibly even still the best record we’ve ever made.”
-S.W., dans une interview accordée à Noisecreep en 2009.
Bref, à découvrir absolument si vous n'êtes pas allergique au(x) genre(s).
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