L’attente fut longue, presque interminable. Quasiment une décennie s’est écoulée depuis un premier disque chéri de tous, petit bijou électro proche de la perfection. Si on savait Jamie Xx doué par l’entremise des deux albums – à l’époque – de son groupe The Xx, cette escapade en solitaire lui permit de pousser plus loin son travail d’orfèvre et de sortir du son indie si cher au trio. Une suite semblait aussi logique que forcément espérée. Sauf qu’entre le troisième opus du band, des compos pour d’autres artistes dont la confection des solos des autres membres Romy et Oliver Sim, elle n’est pas arrivée aussi vite que souhaitée.
D’autant plus frustrant que Jamie n’a jamais arrêté de fournir de la matière, lâchant des morceaux de temps à autre, pour nourrir ainsi notre impatience tout en teasant ce à quoi allait ressembler cette potentielle seconde fournée. Les terribles Let’s Do It Again, KILL DEM et It’s So Good de montrer une nouvelle facette du producteur britannique. Un tempo plus rapide, plus dansant pour des titres clairement calibrés dancefloor. Lui le petit prince des machines et de l’ombre qui mue en façonneur de musique festive et solaire ? Une surprise. Mais une bonne surprise comme le confirme tout du long ce In Waves, enfin débarqué.
De grandes envolées de cuivres, des rythmiques endiablées empruntés au disco et à la house pour deux des singles Baddy on the Floor et le tubesque Life – en compagnie de Robyn -, on est loin, très loin des introspections minimalistes en effet. Rien de putassier pour autant, c’est aussi efficace que sophistiqué. Facile en apparence mais brillant à l’écoute. En ouvrant la porte du fun, c’est tout un nouveau champ des possibles à portée de main pour Jamie xx qui peut alors s’en donner à cœur joie et délivrer, encore une fois, un véritable tour de force sonore.
Samples et échantillonnages à tout va, on pitch, on coupe, on redécoupe, on compose, on décompose et on ajoute des effets de synthé (Still Summer), du breakbeat (Treat Each Other Right), des énormes lignes de basse (Dafodil) selon les velléités.
Le patchwork donne l’impression de partir dans tous les sens mais il se dégage une force commune, une ligne directrice où l’on retrouve la signature particulière d’un magicien du montage. Il y a quelque chose de très chaleureux, d’animal, une ambiance proche d’un soundsystem et difficile de ne pas se projeter pour chaque track sur les différentes déclinaisons live à venir en festival.
Derrière le format plus accessible se cache évidemment dans le décor des trésors d’inventivité (le plus deep et dark Breather) et des moments où on ralentit la cadence en compagnie d’autres petits malins de la création comme Panda Bear, The Avalanches (le très bon All You Children) et bien sûr les amis de The Xx pour un petit moment de belle mélancolie pleine de pep’s sur Waited All Night, ambiance que l’on retrouve également sur le final Falling Together.
A la fois taillé pour les clubs et d’une richesse électronique jouissive, In Waves est le parfait pendant de son prédécesseur et vient un peu plus installer son auteur comme l’un des artistes les plus inspirés de son époque. Qui se fait aussi rare que précieux. Allez, on pardonne les neuf ans.
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