Un des visages du renouveau

Avant de parler de ce projet, une brève contextualisation s'impose, notamment concernant le mouvement dont il est issu, nommé " Beast Coast " . La fameuse Beast Coast, c'est tout simplement l'incarnation du renouveau du hip-hop est-américain, tantôt progressiste, tantôt rétrospectif mais avant tout basé sur des sonorités novatrices et survitaminées. Cette mouvance jeune est aujourd'hui représentée par 3 groupes, instigateurs de cette dernière, répondant aux noms de Pro Era, The Underachievers et Flatbush Zombies. Les trois sont des entités musicales bien singulières mais se regroupent tous sous cette bannière pour le moins .. bestiale , leur philosophie et leur musique étant bien sûr étroitement liées.

Mais resserrons l'attention sur la formation qui nous intéresse, The Underachievers. Un duo composé de Issa Dash et de AK, rappeurs issus, du quartier de Flatbush, Brooklyn. Depuis peu signé sur le label " Brainfeeder " du désormais reconnu Flying Lotus, le groupe a largement contribué à la popularisation de la scène Beast Coast, à l'instar de leurs acolytes Flatbush Zombies, et du talentueux Joey Bada$$, membre de Pro Era. En 2013, le groupe nous gratifie de deux mixtapes, " Indigoism " en début d'année, puis " Lords of Flatbush " en période estivale, c'est cette première qui suscite notre intérêt aujourd'hui.

Les présentations étant faites, on peut attaquer la mixtape en question.

Indigoism, c'est un saut à pieds joint dans l'univers du groupe, une introduction sans concessions à la philosophie sous acides du duo, l'immersion est directe, totale et forcément.. bestiale.
Cette même bestialité, on la percute frontalement sur des morceaux comme " Herb Shuttles ", hymne lancinant qui fait l'apologie survoltée des drogues psychédéliques, " So Devilish " ou encore sur " New New York ", dans lequel le groupe nous expose sa vision du " nouveau " New York musical qu'ils érigent à travers l'émergence de la Beast Coast, sur le son d'une guitare frénétique qui résonne dans les tympans. Mais la métropole et plus particulièrement le district de " Flatbush " sont également évoqués et encensés à travers le sincère " Land Of Lords ". La philosophie du groupe, mêlant des réflexions sur la condition humaine et un mysticisme religieux assez singulier, le tout altéré par un goût prononcé pour les substances psychédéliques, est bien sûr omniprésente au sein de la mixtape. Des références y sont glissées dans presque la totalité des morceaux, mais quelques-uns y vouent leur essence même : c'est le cas de " Gold Soul Theory ", " 6th Sense " ou encore " My Prism ". D'autres morceaux se démarquent de par leur sujet précis, comme " Root Of All Evil " , morceau qui offre une réflexion sur le pouvoir de l'argent agrémentée d'un sample de piano enivrant , ou encore " The Mahdi ", qu'on ne présente plus, hommage à leur ami Capital Steez, décédé il y a peu, sur une instrumentale lancinante foncièrement jazzy.

Avec cette mixtape, The Underachievers s'impose inévitablement comme pionnier d'un nouveau genre, d'une nouvelle conception du hip-hop est-américain, fidèle à ses racines mais fondamentalement novatrice. Pour être un tantinet métaphorique, Indigoism c'est un torrent de sonorités exaltantes et élaborées, dont le courant est rythmé par deux flows énergiques à outrance et qui, après avoir exploré divers horizons philosophiques, jette l'auditeur dans l'océan Beast Coast avec une agressivité qui fait plaisir à entendre.

Déjà culte.