John Coltrane - Interstellar Space (1974)
C’est sûr il y a quelque chose d’incongru à parler d’un chef d’œuvre, je n’aime pas trop écrire sur John Coltrane alors qu’il suffit d’écouter, et tout est dit ! Plus j’écris de mots et plus la vanité d’un tel exercice m’apparaît, quels adjectifs, quels adverbes, quelle emphase ne tomberont pas à plat, s’écrasant comme un insecte cueilli par la tapette à mouche ?
Vraiment je fuis l’exercice, il n’y a même pas l’excuse de se dire que, peut-être, il y en aura un ou deux qui n’auront jamais entendu parler de cet album et que, grâce à ces quelques lignes, ils découvriront l’un des plus beaux albums de tous les temps.
Mais allons-y, soyons simples et pas trop long, courons même, celui-ci fait partie de la « List » pas celle de NWW mais l’autre, la FJMt° ! Ça se passe aux studios de Rudy Van Gelder à Englewood Cliffs. Rashied Ali est surpris de ne rencontrer que John Coltrane sur le lieu de rendez-vous, il raconte :
« - Personne ne vient ?
- Non, ce n’est que toi et moi.
- Qu’est -ce qu’on joue ? C’est rapide ? C’est lent ?
- C’est tout ce que tu veux que ce soit. »
Ça se passe le vingt-deux février 1967 et ces bandes ne seront publiées qu’en 1974 ! Un truc de fou, y’en a pas un qui ait écouté ces bandes et qui ne se soit dit : « Enorme ! Il faut absolument sortir ce truc incroyable ! »
N’empêche que Rashied il se fait tout petit, il se remémore les duos passés avec Trane, au milieu d’un morceau, quelques minutes ici ou là, l’idée de ce projet doit venir de là, de ces moments partagés...
Coltrane a emmené ses grelots, un petit coup au début du titre et un autre à la fin « Pour connecter la création au mystère du divin ». C’est improvisé en totalité mais il y a une structure, transmise oralement, un accord entre les deux protagonistes, afin qu’ils soient synchros.
Rashied confie : « Il existe sans doute d'autres prises enregistrées lors de cette séance car on a fait quelques trucs deux fois, mais John n'aimait pas trop faire ça. » En effet il existe une prise de « Leo » et une autre de « Jupiter Variation » qui sortiront sur « The Mastery of John Coltrane Vol III : Jupiter Variation », un indispensable vinyle, donc.
Quatre titres ici, Mars, Venus, Jupiter & Saturn, quatre titres différents avec chacun sa personnalité, évidemment j’invite ceux qui ne l’ont jamais fait à écouter, avec peut-être un peu de recueillement, enfin pas en buvant l’apéro avec ses voisins je veux dire.
Moi, je vais me taire, parce que les mots là, y servent plus à grand-chose…