Prince Lasha, Sonny Simmons, Clifford Jordan & Don Cherry - It Is Revealed (1963)
Voilà un album que je ne connaissais pas avant d’entrer dans cette boutique, « Le Trou Noir », le gars assis derrière sa console est un véritable amateur de jazz, éclairé, riche d’une longue fréquentation de concerts avec une expérience qui grandit en même temps que les années passent… Oui, je me sentais bien et je n’ai pas eu grand mal à trouver quelques vinyles irrésistibles.
Celui-ci est le premier, une formation hors-normes, Prince Lasha à la flûte, Sonny Simmons au sax alto, Clifford Jordan au ténor, Don Cherry à la trompette, Fred Lyman au bugle, Orville Harrison et Bill Wood aux basses et Charles Moffett à la batterie ! Comment la réunion d’un tel équipage a pu échapper à mon attention si longtemps ? Bien vite l’album se retrouve sur la platine et emplit de sonorités familières l'air ambiant, et ce que j’entends me va, je suis conquis.
C’est enregistré à New-York au mois de mai mille neuf cent soixante-trois, ça sent le « bootleg » mais le son est correct et l’expérience sonore très stimulante. J’ai dû remplacer ma platine qui m’a lâché, et je l’écoute sur ma toute nouvelle « Project », ce n’est évidemment pas un album idéal pour dévoiler les finesses audios, mais je perçois malgré tout une belle finition sonore.
Il est généralement admis que c’est Prince Lasha qui serait le leader ici, « Doxy » est un petit label d’époque qui faisait ce genre de coup, organiser ce genre de « jams » où se réunissaient des musiciens en train de se faire un nom, ici c’est carrément bien vu et bien senti ! Il se raconte que Don Cherry n’était pas prévu à cette fête, et que les musiciens le rencontrèrent par hasard dans la rue, du coup ils l’informent du projet et l’invitent à les rejoindre, fou-fou, non ?
Prince Lasha leader pourrait fonctionner car il est, avec Sonny Simmons, l’auteur d’une première version de « Lost Generation », sortie un peu avant. Elle dépassait tout juste les cinq minutes, mais ici elle est magnifiée, vingt et une minutes quinze au compteur, laissant de l’espace à tous, les soli s’enchaînent et chacun s’exprime dans l’esprit que l’on connaît, c’est juste magnifique…
Face B deux compos, « The Trane » interprété toujours dans cet esprit de jam session où chacun s’exprime en tant que soliste, laissant la place aux thèmes ou aux codas. La dernière pièce, « Prelude To Bird » serait elle aussi inspirée de notre Prince local, bien qu’au dos il soit indiqué que « toutes les compositions sont l’œuvre de l’orchestre ».
Le bugliste Fred Lyman a donné une version un peu différente où le « rassembleur », plus que le leader, serait Clifford Jordan qui a réuni tout ce beau monde dans l’intention de « faire un bœuf », mais qu’importe, l’album est bon, entre post-bop et pré-free, un entre deux typique de ces années où pouvait s’entendre ce curieux « entre-deux » si savoureux…