J'ai vu Gabriel Yacoub sur scène, toujours plus fin et plus fragile. Sa voix à toujours le timbre du vent qui joue un orchestre de cordes vocales, un choeur qui l'accompagne comme un vol d'oiseaux migrerait vers des passés inconnus, suivant cet air. "Je suis le vent" a dit le poète auparavant (1). Des textes qui cherchent une pureté dans les échos des chansons traditionnelles, des thèmes éternels ("l'amitié, l'amour, la mort / se mêlent souvent sans trop d'efforts") dans d'autres langues parfois, et souvent à plusieurs voix.
J'ai vu Gabriel Yacoub, et j'ai croisé avec lui des horizons familiers, immobiles, devenir les berceaux d'une histoire plus longue, la notre, la mienne, "car il est de ces choses qu'on ne vit qu'à moitié / et qu'on ne peut décrire qu en disant leur contraire " Une épopée d'un autre temps, d'un temps qui passe tout près de nous, et qui nous dépasse.
J'ai vu Gabriel Yacoub, et j'ai entendu un homme fatigué de chercher un idéal qu'il avait déjà trouvé, dans la rencontre d'un public, dans le partage d'un rêve - comme on partage un fruit. Et qui cherchant encore, à vouloir être trop juste, a faussé les rêves qu'il donnait. Trop de recherche, trop souvent le besoin d'être juste, d'être accompagné. Trop exigent peut-être, trop composé pour son propos, des choeurs, des cuivres, un vielliste trop virtuose. Ce qui se passe déjà dans ses albums studios se répète sur scène. Cette manie m'attriste parfois ; passé cela certains titres me semblent assez lourds, particulièrement les introductions de chaque CD, ce qui est très dommage.
Mais rien n'enlève ces précieux moments de poésie, de pureté, ces remous de notre "besoin de folie, de grâce, et de lumière" ; oui, il y a un grand amour qui irradie de ces mélodies.
Un objet précieux qu'on ne trouve plus qu'auprès de l'homme lui même : sa maison de disque a coulé, les locaux ont brûlé ; sa vie même est une épopée !
(1) Je suis le Vent, Babel