Jeannine
6.8
Jeannine

Album de Lomepal (2018)

Lomepal, l’homme paumé dans la machine

Le rappeur parisien est de retour avec un deuxième album, « Jeannine », prénom de sa défunte grand-mère maternelle. Un opus plus intimiste et homogène, un an après avoir été révélé au grand public avec son premier succès critique et commercial, « Flip ».


« J’ai passé mon enfance à écouter ma mère me raconter les aventures de Jeannine, il aura fallu attendre que j’aie 26 ans pour que je pense à les enregistrer». Lomepal écrit ces mots dans le livret qui accompagne physiquement le CD Jeannine. Un album qui idéalise sa grand-mère, et surtout, la folie qui l’habitait. « Un jour, pendant un concert, j’ai crié « C’est beau la folie », cette phrase est devenue le fil conducteur de l’album… ». Exit donc le skate, passion et fil rouge de son premier album Flip certifié double disque de platine, et place à la folie.


La folie de sa famille comme le raconte le morceau Beau la folie entre un grand-père destructeur, une grand-mère démente et une absence de relation avec ses sœurs.
La folie de la « machine », métaphore d’une société déshumanisante dans laquelle le rappeur ne trouve pas sa place mais dans laquelle « les gens normaux se sentent bien ».
La folie de Lomepal lui-même, dont le succès n’a pas apaisé les maux : « Le suicide me sauvera-t-il ? Je partirai avec la même tête que Kitano dans Sonatine », dit-il, en référence au film de Takeshi Kitano dans Plus de Larmes.


Nappes électro et rock psyché


Durant les neuf mois qui auront été nécessaires à l’accouchement de ce disque, beaucoup de morceaux ont été retravaillés. Le résultat, c’est un son extrêmement mélodieux, sombre et mélancolique.


C’est aussi le fruit d’un travail d’équipe puisque Lomepal a pris la décision de réaliser Jeannine avec une seule clique de producteurs. « En janvier 2018, Stwo, Superpoze, VM The Don, Mohave, Pierrick Devin et moi-même sommes partis à Rome nous enfermer dans un appartement pendant trois semaines, en fonctionnant comme un groupe », raconte l’artiste.
Les productions sont parfois à la croisée des genres, entre un cloud rap à la PNL et des envolées psychédéliques que n’aurait pas reniées Mac DeMarco, comme à la fin de l’entraînant Mômes.


Sur la forme, Lomepal, qui se considère plus chanteur que rappeur, continue à casser les codes du rap. Son flow n’est plus aussi technique qu’à ses débuts, il préfère jouer avec sa voix et transmettre au mieux l’émotion plutôt que d’enchaîner des rimes multi-syllabiques pour la performance.
Ce qui se traduit par de belles réussites formelles comme avec le puissant morceau de rupture Trop Beau ou Evidemment où le rappeur aborde le comportement incompréhensible des autres depuis qu’il a du succès.
Mention spéciale pour Dave Grohl, chef d’œuvre de storytelling et de symbiose entre la voix et l’instru. Le bouchon est poussé un peu trop loin sur Le vrai moi, une chanson clavier-voix fade et dénuée d’originalité et unique temps faible du disque.


Les potes, les stars et la mère


Une des réussites de l’album est d’avoir su intégrer chaque invité au sein de l’atmosphère de Jeannine.
Les copains de la scène rap belge se fondent particulièrement bien dans le projet. Romeo Elvis complète parfaitement Lomepal dans 1000°C, l’unique single promotionnel de l’album qui comporte les seules saillies politiques du disque : « Nos couilles, nos têtes et nos poches se vident au cours de la semaine comme le Parlement […] Même quand je suis pas là, je touche l’argent comme un député européen ».
Quant à JeanJass, il joue le rôle d’un ami qui cherche à réconforter Lomepal après une rupture sur l’efficace X-men.


La collaboration tant attendue avec Orelsan aboutit à un titre énergique et très rythmé où les deux rappeurs disent La vérité aux artistes nuls. Marrant et incisif, même si cet exercice d’egotrip a le défaut de ne pas être en lien avec les thèmes de l’album.
C’est finalement Philippe Katerine qui signe la plus jolie prestation, sublimant Cing doigts en fin d’album avec un refrain dont lui seul a le secret. Inspiré par un « dessin de sa nièce représentant cinq doigts », Katerine en fait une image de l’amitié soudée avec toute la folie douce qui le caractérise.


Mais Jeannine reste un album d’Antoine Valentinelli, le vrai nom de Lomepal, et place ainsi Pascale Valentinelli, sa mère, à la conclusion de l’album.
Alors que Flip se clôturait avec la voix de Lomepal qui disait « Je t'aime m'man », c’est cette fois sa mère qui conclut le disque en répondant à son fils :


« C’est beau ? », demande Antoine.


« Ouais, c’est beau », répond Pascale.

Nyctalope
8
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le 13 janv. 2019

Critique lue 1.9K fois

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