Lady Gaga semble avoir eu 50 vies. Cela se sent dans sa musique, ses tendances "look", ses discours, ses clips. Sa production suit une véritable remise en question perpétuelle, et parfois inattendue. Joanne est la surprise pop sobre et classe qu'une nana comme elle semblait à 2000 lieux d'offrir. Une nouvelle signature musicale soigneusement structurée aux côtés de musiciens avec lesquels elle n'avait jamais travaillé ensemble, très souvent cités : Ronson, Kevin Parker (Perfect Illusion), Father John Misty, BloodPop, et même Josh Homme des Queens of The Stone Age, venu tout simplement poser sa guitare sur quelques morceaux.
Inspirée et inspirante, Lady Gaga aka Joanne telle qu'elle clame vouloir qu'on l'appelle désormais dans ses concerts, s'enferme dans un délire famillial qui, n'empêche, a un petit côté macabre : Le nom de l'album est certes son deuxième prénom, ce qui affiche entre autre une volonté de faire un album personnel, MAIS il est surtout donné en référence à la tante de la chanteuse, morte dans les années 70. Et aujourd'hui, on est donc fin octobre et elle a eu l'idée de réveiller les morts le temps d'un album pour Halloween. Une sorte d'alter-égo famillial que Gaga n'a jamais connu, si ce n'est par le biais des souvenirs de sa famille, qu'elle souhaite honorer aujourd'hui.
Là où l'album a un réel côté personnel, c'est sur les lyrics : Diamond Heart, drôle et puissante chanson pop/rock ouvre le bal et semble faire référence au job de gogo danseuse que la chanteuse a épousé le temps qu'elle puisse vivre avec le minimum syndical dans son appartement de NYC, lorsque The Fame n'était pas encore né. Et mine de rien, j'ai eu un coup de coeur avec ce morceau, résolument rock, me rappelant Blondie. Grigio Girl parle d'une de ses amies atteinte d'un cancer, Joanne s'adresse évidemment directement à sa tante, etc.
L'album est aussi généreux en styles et puise dans des références très rétro. Nous ayant auparavant été habitué à des trips techno très centrés autour des années 80/90, on monte clairement d'un cran ici : On a parfois l'impression de se retrouver en plein milieu des années 60 (Sinner's Prayer, A-Yo), parfois les années 50 (Come To Mama), parfois les années 70 (Hey Girl), et des petits retours dans les années 80 (Diamond Heart, Perfect Illusion). Le plus beau, c'est l'uniformité qu'il offre malgré ces allers-retours dans le temps, et pour ça, je pense que Ronson y a beaucoup contribué. Mais on constate aussi quelque chose de fort, au sens propre du terme : la voix. Gaga met sa voix en valeur. Et ça gueule, et ça gueule, tout en chaleur. Elle n'hésite pas à interagir avec l'auditeur ou le musicien, comme sur l'intro de John Wayne, tristement électronisé dans tous les sens à de nombreux passages (à mon goût) ou pendant Just Another Day, que je trouve très Beatles mine de rien. A noter aussi, une enveloppe émane doucement à travers l'ambiance du disque, une drôle d'émotion mi-joie mi-nostalgie. Et ça, c'est fort. C'est rarement venu dans les anciens albums de Gaga, outre avec ses habituelles ballades (Dope, Speechless, etc).
Angel Down m'a quant à elle fait penser à Video Games de Lana Del Rey.
Sur le plan des reproches, deux trucs :
- Structure des chansons relativement expéditive (John Wayne, Joanne, Sinner's Prayer, Angel Down etc). Je pense que tout s'enchaîne trop vite à ce niveau. Les chansons sont jolies mais passent vite, seulement deux dépassent les 4 minutes, la plupart tournent plutôt autour des 3. Certains morceaux comme Come To Mama (qui, je trouve, est une de ses meilleures de sa discographie) ou Hey Girl ne souffrent pas de ce souci, mais j'ai vraiment eu cette impression qu'elle avait les moyens d'aller clairement plus loin quand même.
- Dancin' In Circles. J'étais pas prêt.
Pour le reste, les morceaux sont jolis et tombent rarement dans le mauvais goût.
Un exercice de style pop/rock/folk qui fait vachement plaisir après le jazz que Lady Gaga a offert en 2014, certes intéressant, mais manquant d'audace vis-à-vis du contexte où celui-ci ne contenait que des reprises.
La personnalité de Stefani Germanotta, dépouillée de tout désir de conquête culturelle populaire exagérée. Quand on revient de 8 ans de carrière internationale de meneuse de groupes, icône pop psycopathe et surtout businesswoman, ça doit faire un choc.
J'aimerais beaucoup voir ce que pourrait donner sa prochaine tournée... fort possible que j'aille l'applaudir.
https://www.youtube.com/watch?v=m0dqv-Bi9so