Deuxième album un an après The Scream qui a remporté une belle victoire, Siouxsie and the Banshees replace ses pions pour une deuxième salve.
Le groupe conserve tous ses membres, ce qui, on le verra, n'est pas une évidence avec les Banshees, mais change de producteur en la personne de John Stavrou. C'est l'une des plus grosses différences marquantes avec l'album précédent. Ici l'ambiance est plus froide, plus sombre également, pour un album placé sous le thème de la guerre.
La couverture montre d'ailleurs les statues du Guards Memorial à Londres, commémorant les membres de la Guards Division morts au combat durant la Première Guerre mondiale. Pour partie, l'album tire son inspiration des images de combats en Iran en 1979 qui avaient marqué le groupe pour leur représentation inédite à la télévision.
Comme pour The Scream, le groupe travaille ses ambiances, ça commence par un Poppy Day (le coquelicot, l’armistice, les soldats tombés au front, vous suivez) fantomatique, dans la veine creusée par Pure. Glacé comme un 11 novembre, on est exactement là où veut nous emmener le groupe.
Regal Zone reste dans le thème, évoque les spectres errants des soldats tombés. Siouxsie hante le morceau de sa voix tandis que la rythmique très marquée entraîne l’auditeur dans une évocation de plus en plus frénétique. Le saxo de McKay est de retour, du plus bel effet à vrai dire.
Le rythme se calme avec le fantastique Placebo Effect. C’est la plus belle réussite de cet album qui pourtant regorge de trésors sous la poussière. Joy Division lui doit beaucoup, c’est évident, et toute la scène gothique peut quasiment se considérer comme autant de déclinaisons de ce morceau, consciemment ou pas. Tout y est, la basse désincarnée, la voix de, eh bien, banshee, le rythme à la fois tribal et robotique et la mélodie d’une redoutable efficacité. C’est un classique méconnu des Banshees qu’on ne voit pourtant pas souvent ressurgir dans les compilations, playlists, etc.
Le dépouillement est de mise sur Icon, qui débute sur un premier tiers a cappella souligné par la guitare squelettique de McKay. Quand arrive la section rythmique c’est presque un soulagement, comme une poche de chaleur inespérée dans le dénuement ambiant.
Premature Burial enfonce le clou, l’exercice de style serait parfait si le style existait déjà ! C’est par ailleurs ici que l’album trouve son titre. Le morceau est assez éprouvant, Siouxsie est omniprésente et mixée très en avant (comme sur le reste de l’album), c’est une descente ininterrompue dans ce que le groupe aura fait de plus sombre.
Ce n’est pas avec Playground Twist que la joie ressurgira puisque, sur un saxo spectral, le morceau dévale une spirale de noirceur impénétrable jusqu’à atterrir sur la boîte à musique inquiétante de Mother/Oh Mein Papa chanson duelle sur plusieurs plans. D’abord évidemment par l’opposition maman papa, mais également angleterre allemagne, et enfin par l’amour et la haine avec les deux voix superposées de Siouxsie qui égrènent des paroles aux sentiments diamétralement opposés sur un même personnage. C’est aussi réussi que dérangeant. C’est d’ailleurs la conclusion la plus marquante de l’album qui poursuit pourtant avec The Lords Prayer, morceau issu d’improvisations antérieures au premier album et qui mélange bien des références sur une instrumentation chaotique sur le thème du Notre Père. C’est presque la dernière incarnation du punk chez le groupe. Du punk de 14 minutes ceci dit.
S’il est relativement bref, Join Hands n’en est pas moins une épreuve à traverser, à l’image de son dernier morceau. C’est sans conteste ce que le groupe publiera de plus sombre, on l’a vu, et peut-être de plus expérimental. Il a malheureusement le défaut d’être placé entre deux grands jalons du groupe et peut sembler assez mineur quand on considère la discographie plus que respectable en qualité des anglais.
Moins direct, moins accessible également, Join Hands est également un album de rupture puisqu'il voit partir John McKay et Kenny Morris, guitariste et batteur qui avaient façonné le son si particulier des Banshees. Tout est-il perdu ? Qui pourra prendre la suite ? Perdrons-nous inévitablement au change ? Tant de questions qui trouveront assez rapidement une réponse. Après tout, les années 80 arrivent et à cette époque tout va très vite !