Just Like Blood
7.1
Just Like Blood

Album de Tom McRae (2003)

Après un premier album de folk beau et triste, nourri des immuables frustrations britanniques, aux teintes d'ébène très nature, Tom McRae étaient en grand danger de réclusion à perpétuité dans les geôles de son propre rôle, un nouveau poète maudit : le milliardième d'une longue liste, à l'avenir brillamment sombre. Avec son deuxième album, Just Like Blood, il tente donc un virage à 45° pour tenter d'en finir avec cette image autocollante. Collaborant avec Ben Hillier (Blur ou Elbow), McRae a pris le Minotaure par les cornes pour essayer d'en tordre un peu le visage sombre.
A Day Like Today, superbe, en serait même presque choquant : le noir épais se mue en mosaïque multicolore et exotique. On entend même, planquée derrière les rythmes chaloupés, une guitare hawaïenne. You Only Disappear, et son piano obsédant, mène sur des chemins dont on connaît trop bien l'issue : surenchère de sentiments. Mais, étrangement, le suspens est là. C'est bien écrit, sans vulgarité, sans exhibitionnisme de bobos et chagrins : McRae sait tenir ses effets, mieux que sur un premier album dont l'emphase avait une certaine propension à quitter la route. Ghost of a Shark ressemble à une longue ballade sur des terres américaines chimériques, arides et agraires, craquelées par un soleil sans fin. "I'm gonna live every minute", hulule-t-il, toujours obsédé par un bonheur fantasmé. Stronger than Dust muscle son jeu, met son folk à la portée de toutes les oreilles, à la manière jamais populiste de Coldplay.
Ecouter Tom McRae après une petite brimade du quotidien, c'est remplacer le couteau de la plaie par une hallebarde salée : ça fait mal, mais c'est bon. Avec lui, on soulage ses petites peines en s'en faisant raconter de grandes. Ou par masochisme et autovoyeurisme, on expérimente avec plaisir la détresse sentimentale des grands jours : on n'a jamais assez l'occasion de se sentir aussi humain. Le malheur de Tom McRae fait le bonheur des autres.(Inrocks)


Que reste-t-il de Tom McRae, une fois dissipés l'effet de surprise et la fraîcheur des premiers instants de séduction ? Just Like Blood fournit une réponse globalement satisfaisante à cette interrogation, suscitée par l'écoute d'un premier album presque trop homogène pour ne pas être monotone, où le jeune fils de pasteur au physique engageant apparaissait comme un chanteur accompli mais aussi comme un songwriter au registre trop limité pour justifier les comparaisons rapides avec Nick Drake ou Bob Dylan. McRae confirme d'abord qu'il reste bien l'un des émules britanniques les moins horripilants du rejeton Buckley et impressionne une fois encore par sa maîtrise vocale. Ensuite, sans chercher la rupture radicale, il s'efforce cependant de diversifier ses arrangements par de petites touches exotiques fort bien dosées. Un piano africain ou une guitare slide viennent ainsi se mêler aux cordes, déjà utilisées précédemment. Surtout, McRae parvient, au fil des chansons, à développer un discours de plus en plus riche et complexe. Alors que, sur les premiers titres, il semble un peu crispé par l'enjeu et qu'il se contente de rejouer, certes à la perfection, les ballades folk lyriques et plaintives qui avaient fait le succès de son acte de naissance discographique, il se libère peu à peu pour atteindre, sur les quatre derniers morceaux, des sommets d'émotion contenue. Cette fois, plus de doute possible : McRae sait plaire dans la durée (Magic)
Peut être encore trop prisonnier de ses influences lors de son déjà sympathique premier opus, Tom à cette fois l’élégance de se distinguer totalement non seulement de ses pairs mais aussi de ses parrains. Just Like Blood est un album aux arrangements divers et soignés et dans lequel McRae a l’excellente idée de moduler sa voix qui avait tendance a aller un peu trop dans le pathos auparavant. Ne vous attendez pas non plus a faire la fête sur ce disque… (liability)
bisca
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Ma cédéthèque

Créée

le 5 avr. 2022

Critique lue 9 fois

1 j'aime

bisca

Écrit par

Critique lue 9 fois

1

Du même critique

Le Moujik et sa femme
bisca
7

Critique de Le Moujik et sa femme par bisca

Avec le temps, on a fini par préférer ses interviews à ses albums, ses albums à ses concerts et ses concerts à ses albums live. Et on ne croit plus, non plus, tout ce qu'il débite. On a pris sa...

le 5 avr. 2022

3 j'aime

Industrial Silence
bisca
8

Critique de Industrial Silence par bisca

Vocable à résonance latine et nom espagnol donné à l'Aurore, Madrugada est pourtant un quartette norvégien... Il faut donc chercher ailleurs pour en trouver le sens et l'on découvre immédiatement des...

le 5 avr. 2022

3 j'aime

Santa Monica ’72 (Live)
bisca
7

Critique de Santa Monica ’72 (Live) par bisca

Ça commence avec la voix du type de KMET, la radio de Santa Monica qui enregistre et diffuse ce concert de Bowie, le 20 octobre 1972. « Allez hop on va rejoindre David Bowie qui commence son concert...

le 27 févr. 2022

3 j'aime