Le goût du secret. Avec cet album, un groupe mystère américain dévoile un peu mieux son visage et offre un avenir aux guitares.On le prendrait bien au mot, ce titre, Keep it like a secret, pour que les fascinants domaines jalousement gardés par Doug Martsch ne deviennent jamais lieux de pèlerinage, qu'on ne débarque pas en masse dans l'un des derniers carrés d'Amérique non colonisés par MTV. Pas de BTS tourisme en somme, mais plutôt des visites en petits groupes pour ne pas froisser une si belle terre. D'un autre côté, on maudit les dieux à têtes de gondole de n'avoir pas exhibé un peu mieux les disques de ce trio de Boise, Idaho. Car du rock contemporain post-nirvanesque ils sont assurément l'une des poutres porteuses planquées sous le béton bêta des Pearl Jam et consorts, l'un des précieux secrets pour les chanceux à qui on en a fait la confidence. Built To Spill est surtout un remède qui redonne instantanément goût aux guitares ­ belles, complexes, fiévreuses ­, à prescrire donc à tous ceux qui ont déserté le rock, écoeurés par sa vanité de vieil Apollon sous Viagra. A ceux qui disent aujourd'hui préférer aux pantomimes des moulineurs électriques l'anonymat des chercheurs en électronique, Built To Spill est un exemple parfait à opposer.Ce groupe est l'un des plus dignes que l'on connaisse, celui qui prête le moins à la caricature. Il vit caché, son leader partage avec Neil Young nombre de points communs, y compris celui (pas le plus drôle) d'être le père d'un enfant handicapé, ce qui l'oblige à demeurer sédentaire, à refuser tournées et promotion. Du coup, BTS demeure quasiment vierge malgré ses trois albums déjà inscrits au compteur, vierge et cocu à cause des infidélités régulières que lui fait Doug Martsch pour s'en aller taper le carton chez Halo Benders en compagnie de Calvin Johnson. Cocu mais assez peu chanceux, même si le vent peut tourner avec ce quatrième album, beaucoup plus resserré et directement attachant que son prédécesseur, l'emberlificoté et ambitieux Perfect from now on.Ici, dès The Plan qui ouvre le feu, BTS humilie Placebo à domicile, par surprise, eux qu'on avait plus souvent vus se mesurer au Crazy Horse ou à une sorte de monstre hybride ayant le corps noueux de Hüsker Dü et la tête de linotte des Pixies. D'ailleurs, Center of the universe est l'un des plus subtilement construits et exécutés depuis au moins Monkey gone to heaven. De retour à l'efficace format pop (Else ressemble aux Stone Roses !) après s'être laissé aller aux plages étirées et surchargées sur le précédent album, BTS fait montre sur ces dix coups sèchement frappés d'une intelligence et d'une grâce hors d'atteinte, retrouvant l'impétueux panache de son There's nothing wrong with love de 95 en mille fois plus irrésistible.Parfois, BTS ressemble à un cousin de Mercury Rev encore ébouriffé et sur les nerfs (Temporarily blind, l'incroyable final psychodramatique de Broken chairs), et on rêve déjà à d'aussi beaux lendemains pour les ermites de Boise que pour ceux de Catshill. On aimerait surtout qu'ici et maintenant soit réservé un juste triomphe à ce groupe dont le nom après tout signifie "Bâti pour répandre" et qui, comme les secrets les plus rares, mérite d'être dévoilé aux amis les plus chers. (Inrock)


Paraît que Placebo veut conquérir l'Amérique. Brian lui fait les yeux doux, et la gratifie d'un "Whithout you I'm nothing..." pour qu'elle lui file les clés. Mais l'Amérique jauge d'un coup d'oeil le même Molko, esquisse un sourire, et lui tourne le dos. L'Amérique, elle a ce moment de quoi faire é la maison, pas besoin d'importer du briton, même en guitare électrique et en jupette excentrique. L'Amérique, elle a sa botte secrète, son alternative. Efficace, redoutable. Branchez les guitares! Built To Spill et son leader Doug Martsch en sont à leur 4 ème album. Autant l'avouer franco, on n'a jamais entendu parler des trois premiers. Tout juste se souvient-on des Halo Benders, l'autre projet de Doug Martsch avec Calvin Johnson. Mais les connaisseurs s'accordent à dire que Keep It Like A Secret est le meilleur de Built To Spill. On se contentera d'affirmer que c'est le meilleur album de "rock-à-guitares" du moment. Un album jouissif, lyrique, à la fois direct et subtil, punchy et tournoyant. Il y a du Pixies, du Pavement, du Swell dans ces chansons là, bref tout ce qu'on aime. Ici la mélodie prime, mais on ne craint pas de dissoner pour mieux vibrer, de planter un break imparable pour mieux remonter, de changer de rythme pour tout emporter. Et pour couronner le tout, Keep It Like A Secret est non seulement un album qui vous fait taper du pied dès la première écoute, mais en plus Doug Martsch fait chanter les mots presque aussi bien que les cordes de sa guitare. Désolé M'sieur Martsch, mais des secrets comme ca, on n'a qu'une envie : les partager. (Popnews)
bisca
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le 13 mars 2022

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