Après une sale année 2015 où il a perdu énormément de terrain, Wiz Khalifa, le roi de la mixtape revient avec un album signé de son nom : Khalifa. En filigrane : l’opération de la dernière chance.
On l’avait connu si productif depuis l’orée des années 2010. Pourtant, voilà maintenant prêt de 12 mois que Wiz Khalifa se fait très discret dans les médias. Trop, même. Le bruit est vital pour un artiste de sa catégorie. S’il ne fait pas de vagues, l’interprète de « Black & Yellow » est de ceux qui coulent directement au fond de l’étang. Sauf que voilà Khalifa qui débarque, album studio ayant un objectif clair : prouver à tous les publics que le MC a enfin passé le cap de la maturité.
En lançant Khalifa, on ne sait finalement pas tellement à quoi s’attendre. Alors, comme souvent dans ce cas, on se raccroche à la bouée de secours par excellence : la production. Force est de constater que dès « BTS », le premier titre de l’album, jusqu’au dernier « iSAY » en compagnie de Juicy J, le son coule (quasiment) sans accroc. Une première victoire, puisque voilà le Wiz ayant compris, à l’inverse d’un Ty Dolla $ign, qu’un album se doit d’être beaucoup plus propre à la table de mixage qu’une mixtape.
Quitte à continuer dans la comparaison, on aurait pu croire que Wiz Khalifa se serait vautré dans la facilité et l’idiotie mercantile à l’instar du Summer In The Winter de Kid Ink. Là encore, la réalité est meilleure qu’espérée. Souvent critiqué, à raison, sur la pauvre teneur de ses propos, Wizzle veut prouver au monde qu’il n’est plus ce gamin désarticulé que les médias ont rapidement caricaturé. Ainsi, dès « BTS » :
You know I try to do shit with my heart
They talk but i don’t listen I
just finish what I start
Le refrain final est immédiatement suivi d’une interlude au piano, comme pour expliciter directement sa métaphore. Un peu grossière, la démarche est à l’image de l’album : plein de bonne volonté, mais souvent vue à 40 kilomètres.
Faux rendez-vous trap
Peut-il donc assumer un changement sur un album entier, le Wiz ? Autant vous le dire tout de suite : non. S’il est lié par la qualité de ses productions, Khalifa possède une ligne directrice brouillonne. L’album se divise en deux grandes parties que ne distingue pas l’ordre de la tracklist. D’un côté, les titres trap aériens. De l’autre, des envolées chill, voire pop ou électro.
Peut être le volet le plus mercantile, en tout cas le plus traditionnel de l’album, les sons trap sont étonnamment travaillés. Wiz Khalifa aurait pu les passer par dessus l’épaule, servir des ersatz de Future ou Young Thug sans sourciller. Pourtant, ce serait mal connaître le bonhomme. Oui, sous ces tonnes de weed, il y a l’esprit d’un créateur, d’un personnage au charisme établi. Une donne déjà riche face à l’accumulation de figures de rappeurs clonables. On retrouve dans ce style « Celebration » avec Rico Love, dans le mignon représentatif « Cowboy » ou sur « Most Of Us ».
Le poids lourd de cette catégorie est supposé être sur le papier l’association avec Travis Scott, « Bake Sale ». Sauf que ce dernier se parodie lui même et transforme le titre en une parodie grossière, sorte de reprise de morceaux dans le vent sans identité. Wiz Khalifa tentera bien de faire parler la technique sur le premier couplet, mais se fatigue aussi vite que nous et rentre rapidement dans le moule. Il faudra attendre un autre invité, en l’occurrence Chevy Woods, pour apporter un peu de hauteur avec « No Permission ».
Beauté vide
De l’autre côté du miroir, Wiz Khalifa s’essaie au mélodique, à des sons plus chill. Ce n’est pas vraiment une nouveauté, rétorquerons les fans de toujours. Certes, mais cette fois, la sensation est moins factice que par le passé. Le rappeur du Dakota s’essaie au sociétal, se détache de lui même. Gros effort. Cela commence gentiment avec « Elevated », hymne à la réussite par l’action, comme les chansons US, tous styles confondus, nous en servent quotidiennement. Bon.
Deuxième motivation, attendue également, celle du changement, de la métamorphose personnelle qui promet un retour en force. Une thématique qu’il aborde sur un instrumental d’inspiration électro, « City View« , où il délivre l’un de ses flows les plus techniques. D’autres virées sont elles carrément estampillées chill. « Make A Play (feat. J.R. Donato) », « Call Waiting » et « Zoney (feat. Sebastian) » regardent le ciel droit dans les yeux et, même s’ils ne brillent pas par leur écriture, nous suffisent à planer autrement que par le lourd phrasé sur les bontés de la verte. Plaisant.
Enfin, Wiz Khalifa s’impose un virage pop sûrement susurré à l’oreille par ses producteurs après le succès fracassant (à tous niveaux) de « See You Again ». Il est calé en fin d’album avec « Lit (feat. Ty Dolla $ign) » et « iSay » et son piano mignonnet. Sans être foncièrement désagréables, les deux titres brillent par leur superficialité. Le genre de morceaux qui tient mieux sa cadence dans une série pour ados que dans la rue. Problème.
Il a sûrement essayé de faire un album complètement trap, ou complètement chill, Wiz Khalifa. Sauf qu'à l'instar d'un surdoué qui se repose sur ses lauriers, Khalifa devient un album par défaut, moyen, sans véritable ligne directrice. Non pas que l'artiste n'ait pas souhaité qu'il y en ait une. On table simplement sur son incapacité à franchir ce cap qui distingue les succès d'un soir des rappeurs de décennies. Pour une dernière cartouche, Wiz Khalifa a visé du mieux qu'il peut. La trajectoire est bonne, mais le tir n'est pas mortel.