"Étoile filante habitée par la beauté éternelle de la grâce."
C'est en ces termes qu'un célèbre écrivain-philosophe-musicien-bouffon a décrit ce premier album. Nan je déconne, c'est moi qui le dis. Je le pense profondément tant la voix de Lhasa charme et envoûte.
"La llorona" signifie "la pleurnicheuse", ou plutôt ici celle qui, à l'instar du fado, chante la tristesse, le désespoir voire le mal-être. Des 11 morceaux, on navigue constamment dans la mélancolie, une spirale dramatique sans rentrer une seconde dans des larmoiements pathétiques. L'expression vocale couplée à celle de l'instrumentation donne une force décuplée aux paroles, lesquelles, même sans les piger, deviennent quasiment compréhensibles. Vous me suivez ? Tout se situe dans la manière de présenter les choses. Lhasa a cette faculté de transmettre des émotions que seul l'espagnol, je pense, est en mesure de retranscrire (bien que je ne connaisse pas toutes les langues et dialectes du monde).
Cela dit, en tant qu'anglo-saxon de formation linguistique, je n'ai pas eu l'opportunité d'apprendre le verbe de Cervantès au bahut. Qu'à cela ne tienne. C'est désormais à travers la musique que je me penche sur cette langue à laquelle cette chanteuse donne ses lettres de noblesse.
On est de suite mis dans le bain de l'émotion puisque le titre introducteur "De cara a la pared" est d'après moi le point culminant de l'album. Une espèce de volute infinie qui tourne, qui tourne. Sans cesse. C'est enivrant. Terriblement. Une beauté froide, quasi glaciale mariée à un violon, une basse ainsi qu'une guitare acoustique discrète. Magique.
Les deux chansons qui suivent sont elles aussi sur une autre planète. "La celestina" a un côté tzigane dansant avec là encore des instruments qui habillent la voix aérienne de la chanteuse. Quant à "El desierto" on rentre presque dans ce qu'on pourrait nommer du "fado psychédélique". Étrange hein ? Bah perso j'ai eu cette impression de mélange trippé et mélancolique. Le banjo et la steel guitar qui accompagnent Lhasa participent grandement à ce sentiment.
Je ne vais pas étaler le reste des titres car ils sont peu ou prou du même acabit, quoique un peu en-deçà des susnommés.
Disparue soudainement à 37 ans, Lhasa de Sela a laissé son empreinte dans la musique, sans faire de vagues. Juste avec sa voix, sa présence, son expressivité lyrique.
Chapeau.