À l’heure où la scène musicale Belge, portée par un Damso devenu en très peu de temps une tête d’affiche du rap français que l’on devrait appeler maintenant rap francophone, explose. Une nuée de talents tels que Caballero, Jean Jass, Hamza, Roméo Elvis, l’Or du Commun pour ne citer qu’eux commencent à se faire un nom au milieu de cette foule. C’est ainsi que débute une nouvelle carrière pour celui qui se faisait autrefois appeler « Psmaker », et qui sort donc un album intitulé « La Vie Augmente Vol.1» en 2017, j’ai nommé : Isha.
Proposant un rap plus underground que ses semblables, le Belge nous offre à travers ce disque une musique transpirant l’authenticité et l’honnêteté, le tout sur une multitude de prods diverses et variées. C’est à ce moment-là que le Bruxelles-Tour, présenté par notre guide commence. Une visite allant de ses rues les plus sombres jusqu’à ses endroits les plus touristiques, tout en retranscrivant un quotidien de « voyou à l’esprit gentil ».
L’opus débute donc par les quelques notes de synthé sur le titre éponyme de l’album « La vie augmente ». Produit par Veence Hanao, il retranscrit à la fois une nostalgie et une envie d’avancer. C’est sur ces accords qu’Isha nous propose une introspection puissante, nous narre son histoire de la manière la plus crue possible : son adolescence « qu’il a vécue et défoncée par le cul », les épreuves qui l’ont fait avancer dans « cette capitale des attaques aux couteaux », et enfin un constat sur aujourd’hui, sa vision du rap, son existence. Toutefois, il n’oublie pas l’essentiel et nous le rappelle sur chaque refrain : « l’augmentation est vitale ».
Le morceau suivant, « Yipiya », morceau festif et entêtant, nous offre un aperçu de ce qui caractérise le mieux le rappeur bruxellois ; à savoir un égotrip sincère, dont il maitrise parfaitement la recette. Viens ensuite deux sons aux prods plus agressives donnant une autre couleur à l’album. Tout d’abord le très original « Oh putain (avec l’accent du sud) », dans lequel Isha nous emmène en virée loin du plat pays, dans le sud de la France, avec « des gangsters d’Aix en Provence », morceau qui marque d’ailleurs le retour d’Isha sur la scène rap. Le second, « S.O.A.B », aux sonorités plus électroniques. Le MC se fait un malin plaisir de dézinguer tous ces « Son Of A Bitch ».
De retour en Belgique, un détour au « Salon de l’automobile » s’impose. Seul featuring de l’album, Jean Jass laisse son empreinte le temps d’un pont et de deux rimes contagieuses sur sa propre instrumentale teintée d’un son d’orgue faisant résonner une noirceur plus que bienvenue. « La casquette bien vissée, chaussures de tous les coloris », Isha se balade sur la mélodie tel un rappeur de Brooklyn « qui n’aime pas trop les flows de Compton ». Le morceau est efficace et puis étant donné « qu’il y a de la chatte au salon de l’automobile », autant aller y faire un tour.
L’écoute se poursuit avec « Tony Hawk », et un retour à cet égotrip qui sonne si authentique à l’aide d’une prod plus classique rappelant ce qui se faisait à New York avant les années 2000. «Des flows de haut niveau », le rappeur est « respecté comme Tony Hawk ».
On marque ensuite un arrêt au bar du coin, avec le son « Colette », « une incursion dans la vie d’un troubadour » qui nous permet de comprendre à la fois son spleen et ses espoirs : une introspection sur son quotidien sombre et sur les petites joies qui l’éclaircissent.
« 3h37 » du matin, l’heure pour Isha de rentrer à l’appart et « d’attendre sa biatch ». Une vibe d’un peu plus de 3 minutes durant laquelle le rappeur nous décrit la relation peu orthodoxe qu’il entretient avec sa belle, « meuf brillante », fumeuse de « Santa Maria ». Sur une prod douce et entrainante d’Ozhora Miyagi, la fin de la balade approche, et on le ressent avec les premières notes de « L’augmentation Part. 1 ».
Un morceau qui sonne comme une sombre conclusion de tout ce que nous a conté le Bruxellois au fil des différents morceaux. Une fois de plus, le Mc se livre d’une manière transparente et puissante sur une instrumentale brute et obscure. Une track qui aurait très bien pu clore l’album, mais à notre plus grand bonheur, vient ensuite « Frigo américain ».
Surement le son le plus original de cet opus : un hymne au savoir-faire américain en terme d’électroménager, « une histoire de pauvre, d’amour et d’eau fraiche ». A la manière de nombreux rappeurs qui se sont déjà essayés dans cet exercice sur des thèmes moins originaux tels que les voitures ou l’argent, le belge nous fait ici l’éloge du fameux réfrigérateur venant des Etats-Unis. Et comme il le dit si bien « Ils ont tout compris ces putains d'américains ». On pourrait croire que l’album se termine ainsi, mais un morceau caché, que je vous laisse découvrir, fait une apparition inattendue et débarque pour « tout niquer, tout niquer ».
La nouvelle carrière d’Isha dans le rap commence donc avec un franc succès. Un album court, concis (10 titres + 1 bonus) et à la fois complet, le tout à base de sincérité, d’égotrip et de noirceur.
La vie augmente et l’augmentation est vitale.