Elégie aux disparus
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Enfin voilà ton tour, Labyrinth ! L'album qui a fait le plus connaitre Juno Reactor au grand public, car deux pistes ont été composées pour la bande originale de Matrix Reloaded et de Revolutions. Mais qu'on ne s'y trompe pas, cet album n'est pas bassement "commercial" pour autant. Les influences cinématographiques ne font que se mêler à toutes celles qui innervent déjà le style du Reactor pour produire le résultat le plus violent, le plus riche et le plus diversifié de toute sa carrière. Récit du voyage halluciné que je me tape à chacune de mes écoutes...
Des sortes de cloches annoncent une ambiance moite et mystique. Conquistador I nous entraine dans une jungle lointaine, sous fond de guitare flamenco en mode mélancolique, accompagnée d'une voix féminine langoureuse. Le rythme invite un instant à la danse avant de mourir en une étrange interrogation de la voix féminine. Pas un seul beat jusqu'à la fin, qui s'emballe, et annonce la transition directe avec Conquistador II.
Rythme trance effréné, la voix féminine fait place à un timbre masculin rocailleux, parodie du desperado. Les congas fous furieux font leur retour, bientôt suivis par des violons aigus qui rehaussent le tout d'une touche épique, assez proche du travail de Don Davis pour Matrix. La guitare se joint à la partouze pour un résultat d'une énergie ahurissante.
Giant est une piste que je n'aimais pas au début. La composition, basique, peut pourtant s'apprivoiser, et l'auditeur fusionner dans une rythmique beats/cymbales d'une brutalité incroyable, contrastée par une voix féminine qui hante, tour à tour soul et classique. Des choeurs brumeux enveloppent le tout pour un résultat finalement stupéfiant, délicieusement sauvage, presque régressif.
War Dogs fait une entrée fracassante où le rock, l'electro et l'orchestral s'entremêlent, salués par des choeurs féminins et une guitare flamenco qui fait mouche une fois de plus. Un des morceaux les plus épiques de Juno Reactor, une déflagration musicale qui sait rester mélodieuse en évoquant quelque guerre orientale du futur.
Mona Lisa Overdrive est l'un des deux titres figurant sur la BO de Matrix, mais en plus court et percutant, et accompagné une fois de plus par de sublimes choeurs féminins. Ici, les influences trance sont particulièrement prégnantes, pour le meilleur, avec cette rengaine musicale hypnotique, qui atteint son apogée lors de sa rencontre avec les congas soutenus par des nappes sonores qui nous enfoncent ou nous élèvent, on ne sait plus très bien, mais qu'importe, car ce qui est en haut est comme ce qui est en bas. Le titre dégage cette énergie positive folle, mystique et dansante, des meilleurs trips aux enthéogènes.
Zwara nous ramène aux ambiances africaines de l'opus précédents de Juno Reactor, Shango. Un titre encore très pêchu, qui semble toutefois moins recherché que les précédentes pistes... jusqu'à ce passage complètement barré où une chamane (ou une sorcière vaudou ?) semble invoquer les esprits avant de se mettre à hurler. Une fois de plus, et bien que le son fasse volontairement plus rétro que le reste de l'album, l'auditeur se laisse entrainer dans la danse jusqu'à épuisement...
Ca tombe bien, Mutant Message lui permettra de reprendre des forces avant le grand final. Nous avons ici une piste d'ambient absolument géniale, n'ayons pas peur des mots pour une fois. Quelques paroles prononcées par une voix électronique, des sonorités aiguës, des sortes de bruissements étranges en arrière-fond sonore, des notes de piano inquiétantes... le rythme s'élève un peu et nous emmène dans un fascinant bad trip où l'on rencontre des êtres lovecraftiens nichés dans des angles non-euclidiens. La folie guette, des mystères interdits nous sont dévoilés, d'une richesse tout simplement extraordinaire, jamais épuisée. Peut-être le chef d'oeuvre du Reactor en ce qui me concerne.
Suit un dernier morceau calme, Angels et Men, qui me semble légèrement en dessous des autres pistes, même si l'ambiance rêveuse parvient à nous faire naviguer sur d'étranges mers à destination d'une vérité spirituelle inaccessible. "Pourquoi as-tu si peur du visage de Dieu ?" nous demande une indolente sirène qui nous berce jusqu'à notre dernier sommeil. Le tout est cependant un peu répétitif, à l'exception d'un très joli mais court passage aux sonorités poignantes au milieu du morceau.
Enfin, Navras, le Crépuscule des Dieux chantés par un choeur sanskrit d'une puissance hallucinante, rapidement rejoint par des sonorités indiennes qui délivrent aussi un long passage méditatif inattendu en milieu de piste. Que dire à part que l'on assiste à un feu d'artifice musical accompagné des paroles des Upanishads à la gloire de l'Absolu ? Original, grandiose, un peu fou, le duo Juno Reactor/Don Davis propose quelque chose que nous ne sommes pas prêts de réentendre au cinéma, ou même ailleurs, un putain de coup de poing cosmique à la gueule, même si je n'aurais pas été contre l'inclusion de davantage de choeurs, parmi les meilleurs qu'il m'a été donné d'entendre...
Je pense en avoir assez jeté: Labyrinth fait partie des rares albums que je suis capable d'écouter en boucle, l'un de ces miracles où presque chaque piste est une petite merveille, sans bouche-trou, sans baisse d'inspiration véritable. Le Reactor est plus mystique que jamais mais cette fois la prière devient guerre sainte.
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Créée
le 22 avr. 2015
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