Avec « Le futur, que nous réserve-t-il ? », Assassin démontre en 1992 qu’il est le groupe de rap français. Que ce soit en qualité d’écriture, d’architecture musicale ou d’engagement, il se classe cette année-là loin devant ses concurrents et signe un disque majeur de l’industrie.
- Sur la scène parisienne, NTM et Assassin sont les deux groupes majeurs du mouvement hip hop et se font écho. D’un côté « Le monde de demain » et de l’autre « Le futur, que nous réserve-t-il ? », la comparaison est inévitable. Tous deux ont des origines et des influences identiques et se côtoient depuis la find es années 80. La principale différence dans l’esprit du public, c’est qu’« Authentik », paru un an plus tôt, est considéré comme l’alpha et a forcément marqué les esprits. Or, Assassin travaille depuis longtemps déjà sur son premier album (ou plutôt ses deux mini-albums) et doit son retard à une mauvaise gestion de sa maison de disque. Sachant que tous deux sont de fait contemporains, il est facile d’en déduire à quel point Solo et Squat écrasent la concurrence. Pendant que NTM aborde des thématiques relativement simplistes (L’argent pourrit les gens) et des paroles parfois immatures (j'encule tous ces moutons de fonctionnaires, tous ces pédés de militaires (…) avec les couilles dans le béret), Assassin nous parle d’écologie ou d’enseignement et scande: « à tous les jeunes qui m’écoutent, poursuivez vos études pour avoir l’aptitude de contrer le pouvoir en place ». Certains thèmes sont d’ailleurs terriblement d’actualité: « En somme, ces derniers en étaient déjà à l’âge adulte en terme de réflexion, tandis que leurs homologues, toujours adolescents, n’avaient d’autres arguments que la provocation pour faire parler d’eux.
Les intérêts de chacun sont également évidents. NTM signe chez Sony et déclare encore aujourd’hui « ne faire que dans l’urgence et ne pas ressentir de responsabilité dans leurs propos ». Là où Assassin fonde dores et déjà son propre label pour lutter contre la censure et dispenser un rap éclairé et positif qui deviendra sa marque de fabrique. A ce niveau, « A qui l’histoire ? Le système scolaire » s’inscrit au sommet de l’album. Un morceau pertinent, en avance sur son temps, et qui s’inscrit parfaitement dans notre actualité presque 30 ans plus tard.
On pourrait aussi parler du travail sonore et de la recherche des samples, qui confèrent à l’album une dimension unique en son genre. Dès « La formule secrète 2: le retour », une certaine richesse musicale annonce le meilleur. La basse dans l’introduction, la boucle des couplets… et laissera place à de brillantes idées, en particulier cette habitude de sampler des batteries (« Amen, brother » des Winstons, «Long Red » des Mountain) qui confère à l’ensemble une chaleur et une énergie beaucoup plus intense qu’une boite à rythme. Ce respect de la culture musicale et notamment du rock (certains morceaux empruntent carrément des riffs entiers tels « Moby Dick » de Led Zeppelin, « 88 Seconds... & Still Counting » de Pop Will Eat Itself et même « Strange Days » des Doors ) ne fait qu’appuyer la maturité indiscutable du groupe.
Au final, « Le futur, que nous réserve-t-il ? Vol.1 » mais aussi sa suite, constitue de loin le meilleur disque de rap de l’année 92. Par sa richesse, sa maturité et son statut (le premier Assassin tout de même ! ), il demeure l’un des classiques indispensables du rap français.