On l’avait perdu de vue depuis 1998, mais pas d’oreille, signant dans l’intervalle des textes pour Juliette Gréco, Jane Birkin, et même Raphaël, son pénible collègue de label, ou Indochine, alors en quête de réhabilitation critique. Pour autant, nulle trace de changement langagier et thématique chez le presque sexagénaire, auteur de ce dix-septième album survenant en amont d’une actualité française tellement embouteillée qu’on craint l’effet de cannibalisation pour les principaux intéressés (Miossec, Manset, donc, et son fils spirituel Murat, à la seule lettre M de l’alphabet hexagonal). Avec Le Langage Oublié, Manset cultive son personnage de voyageur solitaire et misanthrope, pronostiquant un futur irréversible (Demain Il Fera Nuit), arpentant la ville hostile (Dans Les Jardins Du XXIe Siècle), ressassant sa tristesse infinie (Quand On Perd Un Ami) ou son aquoibonisme légendaire (À Quoi Sert ?), tout en étirant ses chansons comme un jour sans pain (Le Coureur Arrêté, Le Langage Oublié). “De même qu'on ne peut plus lire un bouquin de plus de trois pages, on ne pourra bientôt plus écouter un morceau de plus de deux minutes trente”, regrettait-il récemment dans les colonnes de Libération. Une déclaration qui trouve son écho dans le cinquième titre du disque, le reggae Mensonge Aux Foules : “Ce monde est celui de la dérision/On substitue le mal au bien/Sur les écrans la haine a le goût du pain/Les rejetés sont légion”. Hors des canons de la société du spectacle depuis 1968 et l’inaugural Animal, On Est Mal, Manset reste encore et toujours une énigme. Sa voix marmoréenne, sa stature de commandeur, son catastrophisme clairvoyant (La Fin Du Dernier Monde Connu, splendide) et ses absences prolongées ne font qu’amplifier le plaisir incongru de ses retours aléatoires. (Magic)
Après la déception causée par le disque précédent, on est très heureux de voir Manset revenir avec des titres forts – voire très forts comme ceux qui débutent l'album : le très rock "Demain il fera nuit", dont le final mélange guitares rageuses (parfois comparées à celles de Neil Young et du Crazy Horse) et chants africains ; le très émouvant "Quand on perd un ami", sublime malgré la voix du chanteur qui s'étrangle ; "Le Coureur Arrêté" dont les paroles font le va et vient entre la Gare du Nord et celle de Bangkok sur fond d'accordéon virevoltant. La fin de l'album n'est pas tout à fait de ce niveau mais le disque marque tout de même un retour en force de Gérard Manset.(Popnews)