Le Noise par Messiaenique
Certains amateurs voient en Neil Young un brave hippie des années 60-70, un musicien aux cheveux longs adepte de la country, chantant des textes sensibles et emprunts de poésie. D'autres le considèrent comme un fier représentant de chevauchées électriques maîtrisées, un pape du rock éternel, même si tout finit emporté par le feu ou par la rouille. A vrai dire, personne n'a raison. Neil Young échappe à tous les carcans posés par les vieux routards, les bobos ou le reste des auditeurs à la petite semaine. Et cet album, sorti le 28 septembre 2010, nous le prouve une fois de plus.
Le Noise est un album surprenant pour les fans qui restent encore vissés sur leur Harvest. Faisant suite au décevant Fork in the Road, il est le fruit d'une collaboration inédite entre le loner canadien et Daniel Lanois, compatriote francophone connu pour ses travaux de production musicale (Bob Dylan, Peter Gabriel ou encore Nick Cave). Pourtant, si l'on connaît le penchant de Neil Young pour les déluges de bruit et les collages expérimentaux (écoutez Arc-Weld !), sa dernière réalisation déçoit quelque peu en matière de gros décibels qui tachent. Avec du recul, elle oscille vaguement entre pur génie et production discutable, en proposant un mélange de lo-fi et de chanson alternative. L'ambiance qui s'en dégage laisse toutefois aussi rêveur que perplexe.
Car parmi les titres de l'album, et c'est une belle ironie, ce sont les sublimes ballades acoustiques « Love and War » et « Peaceful Valley Boulevard » qui le hissent vers le haut du panier. Le son de guitare vibre à la manière d'un Bruno égaré dans un trip americana. Les pistes électriques ont plus de mal à s'imposer, même si « Walk With Me » ou « Rumblin' » s'en sortent avec les honneurs. Côté textes, le propos est amer, à la limite du cynisme ; il est un dur regard posé sur la société, les hommes et sur l'artiste lui-même (« Hitchhiker »). Au final, c'est davantage l'interprétation de Neil Young que les bidouillages électroniques qui insufflent à Le Noise une belle fraîcheur.
A l'instar d'un Loren Connors, Neil Young nous offre donc un voyage atypique et intimiste ; seul face à sa guitare, il n'a besoin de personne pour nous emmener dans des paysages où les sentiers ne sont pas encore suffisamment battus. Vif, pertinent, dynamique, l'album est à l'image de son géniteur, il parvient à se faire adopter malgré ses nombreux défauts. Version vidéo de l'album, le film est encore visible sur YouTube, ce qui permet à tout le monde de patienter avec un bout de voyage aux États-Unis en attendant la sortie de son prochain album, Americana.
http://offthebeatentracklists.wordpress.com/2012/05/25/neil-young-le-noise