Quand Rohff fait du Rohff

Rohff, le fameux, l’ancien, l’autoproclamé « Classicman », rappeur incontournable du 94 dont le curriculum vitae n’a plus rien à prouver revient aujourd’hui avec un album 19 titres intitulé Rohff Game. Malgré une communication et une promotion quasi mystique, le 8ème projet solo de l’ancien membre de la Mafia K1Fry est disponible dans les bacs, sur toutes les plateformes de streaming et téléchargement légal.

Après le flop de PDRG (Padre Du Rap Game), il aura fallu s’armer de courage pour suivre les péripéties du MC sur les réseaux sociaux. Entre clashes à répétition avec son ennemi juré Booba, démêlés avec la justice pour des actes peu glorieux et cote à la baisse… Bref. On a quand même tenu à rester vigilants parce qu’il était primordial de savoir ce que Rohff avait encore sous le pied après toutes ces années, artistiquement parlant en tout cas.

L’album se diviserait parfaitement bien en deux parties [distinct]es (coïncidence ?) : d’un côté, le retour aux sources qui fait vraiment plaisir aux amateurs de Rap comme nous et de l’autre, les sons qui se mélangent bien au reste sans pour autant susciter un grand intérêt. Le projet s’ouvre sur un track intitulé « Comme en 46 » (?), ça commence bien. Dans une interview tenue par Mouloud Achour pour Clique, Rohff explique que « 46 tout simplement parce qu’il fallait une rime en [iss] ». Tout s’explique !

« Comme en 46 » donc, « La Crème de La Crème » en featuring avec le talentueux Lacrim, « Vrai Reconnait Vrai », « O Top », « Vitry Sur Haine », « Ils Nous Connaissent Pas », « L’argent Parle », « Trop Gang » aux côtés d’LKaiss, « Le Coup Du Siècle » feat. La Hyène et A2L, « Les Anciens » et « L’Appât Du Gain » sont les morceaux à placer dans la première catégorie, sans sourciller ! La plume qu’on ne retrouverait plus depuis quelques années est enfin de retour. C’est une agréable surprise puisque, pour être tout à fait honnête, nous n’y croyions plus vraiment. Un egotrip mesuré avec des phases parfois puériles ou dénuées de sens, qui passent bien seulement parce que ça vient de Rohff. C’est un constat indéniable, qui revient au fil des écoutes.

Des sons pour ses habitués

Vous l’aurez compris : « Star », « My Nigga My Rebeu » et « Bitch N’a Pas De Cœur » (Starfuckeuz 2.0, Zlatana 2.0) sont les morceaux tous publics qui n’ont pas suscité un grand intérêt, en tout cas chez Hype Soul. Quant à « Bijou » en featuring avec la voix de velours d’Awa Imani serait classé entre les deux. Rohff a toujours su parler des relations Hommes/Femmes avec une certaine maîtrise et c’est agréable de l’entendre sur ce terrain, en souvenir du bon vieux temps. Ceci étant dit, il représente le titre radiophonique de l’album, pas de grande recherche mais il reste en tête, c’est donc un combo’ Rap-RnB réussi.

Mention spéciale pour « La Famille », « Street Bourgeoisie », « AK-47 Monologue » et le banger par excellence « Rohff Game » qui est, sans hésitation aucune, LE meilleur track de l’album homonyme. Le Rohff tel qu’on l’apprécie, et surtout tel que nous le connaissons depuis toutes ces années. Quand nous traitons de protagonistes qui pèsent autant dans le Rap Game français, nous estimons que la dimension rassurante qu’apporte cette sensation de « déjà-vu » (à juste mesure) est bénéfique. Nous n’avons rien contre la nouveauté et les tentatives artistiques farfelues, bien au contraire, mais ce retour aux sources est surtout considéré comme un premier critère de réussite. Roh2f fait ce qu’il a toujours su faire et tend parfois à nous rappeler les moments anthologiques de sa carrière. Ce n’est pas de trop après toutes ces déceptions passées.

Côté beatmaking, beaucoup de prod’ « à l’ancienne » et, détrompez-vous, ce n’est pas forcément mauvais. L’album a été écouté la première fois en voiture. Nous avions l’impression de rider en 2006, un retour dans le passé qui peut paraître décevant mais qui a été très bien perçu ici. Rohff est fidèle et a ses petites habitudes. La présence de Koudjo, Verbal Kint, Tangerino, Oster et Da Vinci (Paper Boy) le prouve ! Des beat/hitmakers familiers au Padre ou à la famille M’Kouboi en général. Rohff n’a quand même pas hésité a baisser les œillères. C’est ainsi qu’on entend Mr Punisher, Triple N Beat, les allemands C-Walsh et Abaz ainsi que First Mike (DJ) se placer sur cet opus.

L'heure est à la conclusion. Oui. Oui. Et Oui. L'album est validé plutôt deux fois qu'une même s'il est légèrement long, ce qui rend la concentration difficile et peut, à moyen terme, entraîner une lassitude. Un retour aux sources (bis repetita) vraiment agréable et qui vient doucement atténuer les échecs précédents. Rohff a du talent, personne ne pourra lui enlever. Il a su étayer sa palette artistique et se recentrer sur les fondamentaux, ce qui apporte une sensation de retrouvailles chaleureuses après une longue absence. Nous espérons que la suite sera aussi prometteuse que ce projet, et plus encore !

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