Au départ, j'avais prévu d'écrire une critique en mode gogol, un truc faussement intellectuel et vantant les qualités de cet album à l'aide de nombreux parallèles aux films contemplatifs, avant-garde et d'autres conneries du style.
Mais pour une fois, "Un artiste" a été honnête avec nous, alors je le serai avec lui.
"Un artiste" c'est quoi ?
A la base c'est un mec qui a compris qu'aujourd'hui l'art c'est mort. Ou plutôt l'art à travers les yeux de l'intelligencia. Si les musiques du peuple (et pas populaire, voir ici pour la différence : http://www.musiclodge.fr/article-24280447.html) ont toujours été dénigrées (à tort) par une certaine "caste" ; celle-ci, (l'élite) avait le mérite de produire du beau, de l'intéressant...
Puis, quand elle s'est rendue compte qu'à l'échelle des "beaux arts" elle avait atteint une certaine limite, elle s'est vautrée dans l'art "contemporain"... qui, s'il a eu dû bon, a très vite dégénéré en une odieuse spécule qui vend du "concept" à très fort prix.
Ce qui compte dans l'art contemporain aujourd'hui c'est le concept (en fait, même plus), l'hideux et la gueule de celui qui le produit. Une honteuse masturbation intellectuelle de caste qui éjacule de bons gros billets verts.
Un artiste aux yeux d'une certaine caste aujourd'hui, c'est ça. Un nom, du n'importe quoi pourvu que ça soit du "jamais vu", et du fric. Et c'est dans cette optique que ce jeune français a lancé le projet "Un artiste" une parodie à l'extrême d'art avant-gardiste inauthentique avec des morceaux comme "Sperme de chien" ou "Cornichons de lumière" que n'auraient pas renié McCarthy ( https://www.google.com/search?q=mccarthy&espv=2&biw=1366&bih=623&source=lnms&tbm=isch&sa=X&ved=0CAYQ_AUoAWoVChMIvJ2-34ibxwIVRloUCh0JRgfy#tbm=isch&q=mccarthy+artiste) (attention c'est hardcore et nsfw)
Le problème c'est que "Un artiste", il est pas connu et n'a pas de pognon. Du coup, il n'y a aucun intérêt à faire semblant que ça soit bien, et il se tape des notes de merde, c'est tout juste si 2/3 petits hipsters du Dimanche trouvent ça "frais et rafraîchissant" avec des je cite "ya clairement un univers"
Du coup au delà de la blague, c'est juste inutile, et la merde contemporaine, elle, a au moins le mérite de rapporter du pognon.
Mais là c'est autre chose.
Là je pense que la personne qui se cache derrière ce pseudo peut désormais humblement endosser son patronyme de manière tout à fait honnête.
Loin de faire de l'avant-garde musical foutraque bourré de dissonances et chaotique, le Zylkon B se présente comme un petit témoigne de l'histoire du XXe siècle en Europe. L'album est sombre et l'on peut clairement sentir la masse nuageuse qui couvrit ce que certains considérèrent comme le "siècle de Satan"
Il s'agit pour résumer d'une collection de samples qu'ils soient vocaux ou instrumentaux découpés et accompagnés de musique d'ambiant. Quasiment toutes les pistes sont en featuring et l'ont peut entendre par exemple : Adolf Hitler, De Gaulle, Godard, etc.
Mais la particularité de l'objet, c'est que là ou un petit malin se serait contenté de "narrer en musique" le XXe siècle de façon lourdingue et Kitsch de la manière la plus plate qui soit, "Un artiste" a été plus ingénieux et c'est cela qui justement lui confère son titre.
Il n'y a pas de chronologie (Hitler parle sur un rythme hypnotique dès la 1ère piste par ex), ni un "best of des marquant les plus moments du XXe" mais, de façon subtile, presque brumeuse, on a des échos du passé qui se répondent et dessinent un message politique sous-jacent, sans toutefois l'asséner à l'auditeur.
C'est très dur à décrire... Mais prenons par ex le diptyque des "deux mythes fondateur"
1)L'origine
2)La consécration
Le 1er est très sombre, on entend parler allemand, il y a des cris (mais qui ne font pas mals aux oreilles, ça reste musical), on entend le jingle de la SNCF qui arrive par moment... comme un écho pour l'avenir puis... rien
Ensuite dans le second, un rythme techno basé sur le jingle, presque enjoué par rapport à la précédente nous amène à notre époque où l'on peut entendre à travers les nappes de musique "Klarsfled président blablabla des petits fils de déportés juifs" et là la partie précédente du tableau est complétée et on a compris, ce que signifiait ces cris ainsi que le titre du diptyque.
D'autres musiques sont un peu plus franches et directes notamment celles qui featurent De Gaulle, qui nous livre ici certains de ses discours les plus lourds de sens et aux "allures" prophétiques, le tout sur une bande son toujours très ténébreuse. Pour peu que vous vous intéressiez à la politique, l'entendre dire "l'europe aura un fédérateur, qui ne sera pas européen" (je cite de tête) le tout sur un accompagnement sombre et vaporeux est assez hypnotique, voire terrifiant (un peu) parfois.
Il n'y a pas besoin d'énormément de réflexion, juste d'un peu d'attention à ce qui se raconte et à chacun de se faire son propre avis, tout est suggéré en finesse.
Voilà du vrai art, pas quelque chose d'absolument chaotique dont on essayerait de faire accoucher un sens en post-production... Ni un bête divertissement qu'on consomme et ce avec tout mon respect pour ces bêtes divertissements qui m'amusent beaucoup.
Le seul défaut de l'album c'est que s'il y a des pistes d'une très grande qualité, elles sont noyés par des morceaux assez hermétiques... Non pas dans leur fond, mais dans la forme.
Ainsi l'album ne dévoile sa vraie force (je dirai même commence) qu'après 20min dont 9 sur des sample de Baleine (avec de la "zik" derrière hein tkt poto). Elles ont leur qualité, même en tant que musique "d'ambiance" (surtout en fait) mais il y a de quoi décourager ceux qui veulent s'y plonger.
Mais est-ce là peut-être ce qui fait d"Un artiste" un Artiste : Un concept album sans concession et sans la moindre envie de racoler d'aucune manière que ce soit... et même si certains titres sont assez déroutants, ils renouent si l'ont regarde bien avec les origines de l'art contemporain : le concept.
Ainsi la musique "télévision" composée de son de cathodiques stridents assez désagréables prend tout son sens si on l'écoute avec des enceintes, car comme nous dit le packaging :
"La piste 12 (Télévision) peut s'écouter avec des enceintes.
Tournez votre tête pendant l'audition pour y découvrir d'autres notes,
par effet de réverbération sur les murs de chez vous."
Personne ne le fera jamais sans doute, mais c'est là, le concept est présent, c'est de l'art contemporain vrai.
Bref un mini best of des meilleurs morceaux pour conclure ceux à écouter au moins :
-Le diptyque : Le grand mythe fondateur : pour les raisons évoquées plus haut.
-De la fondation : De Gaulle qui parle sur une musique originale délicieusement sombre, très très ambiant
-Visite de Courtoisie : Si vous aimez Pasolini, un petit pêché mignon de l'auteur je pense
-Le nouveau despote : (J'aurais mis celle-ci si la lecture de Tocqueville n'était pas si noyé, dommage, bah je l'a met quand même)
-Mémoire d'Outre Gaulle : De Gaulle qui pressent le nouvel ordre mondial
-Je vous salue Sarajevo : Ma préférée avec le grand mythe, du Godard sur une zik extrêmement crépusculaire, on dirait du murmuure.
-Tragédie : pour le sample au violon, mais c'est de la triche là.
Bref à écouter, ne serait-ce qu'en faisant autre chose, ça passe très bien comme zik d'accompagnement. Après je ne le cache pas, ça ne s'écoute pas tout les jours et il faut de l'investissement, mais on a pas l'impression de s'être fait rouler ou s'être forcé à aimer pour se faire "bien voir par un certaine caste.
Bref 7/10
A télécharger gratos ici : https://onedrive.live.com/?cid=5de25d992d08990f&id=5DE25D992D08990F%21204
BTW, la pochette assez obscure ne prend tout son sens qu'en voyant l'image au verso, mais elle a disparue, dommage..
df