Andrew Cyrille, Wadada Leo Smith et Bill Frisell (2018)
Un album ECM enregistré en juillet 2017 à New York et sorti en novembre de l’année suivante, encore un trio mais cette fois-ci avec un leader batteur, Andrew Cyrille, en compagnie du trompettiste Wadada Leo Smith et du guitariste Bill Frisell. Les noms eux seuls font frémir. A ce propos le nom de l’album, « Lebroba » provient des lieux de naissance des musiciens « Le » comme Leland dans le Mississipi pour Leo Smith, « Bro » comme Brooklin pour Andrew Cyrille et « Ba » comme Baltimore pour Bill Frisell. Tout à coup on se sent plus savant !
On sait ce que l’on peut attendre d’un album ECM au niveau du son et, en effet, la musique est calibrée au millimètre pour rentrer dans le cadre. Rien de surprenant quand on connaît ces trois mastodontes. La première face est occupée par une pièce de Bill Frisell qui ouvre l’album « Worried Woman » et suivie d’une longue compo de plus de dix-sept minutes de Leo Smith, un hommage à Alice Coltrane : « Turiya : Alice Coltrane Meditations And Dreams : Love ».
Quand on connaît Leo Smith, son goût pour les silences, la musique elliptique, parfois presque désintégrée, on n’est pas surpris par le traitement ici, tout en fines subtilités, comme dessiné dans l’espace. L’espace justement qui est aussi le territoire d’Andrew Cyrille, ce dernier est un expert en création de territoires, de lieux étranges avec des vides et des pleins, il souligne plus qu’il ne soutient en rythme et en creux, créant anticyclones et dépressions, se jouant des reliefs et de la géographie.
« Lebroba » signé Andrew Cyrille nous montre bien comment ces trois-là sont semblables, un peu timides et très respectueux, bâtisseurs de mondes en pointillés où ne se joue que la juste note, sans rien de superflu. Du nécessaire et du précis, mais de l’instinctif aussi, on ne réfléchit pas trop : les idées jaillissent de partout !
« TGD » l’impro à trois est à cet égard révélatrice, magnifique aussi. La dernière pièce est à nouveau signée Andrew Cyrille, « Pretty Beauty » avec ses airs contemplatifs, navigue entre calme et sérénité, on se dit, en cette fin de parcours, que chacun sort grandi de cet album, peut-être que la qualité première ici c’est la capacité à écouter l’autre, à s’y connecter pour mieux le deviner.
Quel album !