Le dieu de la danse

Ce disque reprend la troisième entrée de l'opéra ballet "Les Fêtes d'Hébé ou les Talens Lyriques" (nom qu'à donner le grand Christophe Rousset à son ensemble, c'est quand même un signe) composée par Rameau après le triomphe des Indes Galantes. Ces fêtes furent aussi triomphales, nos chers compatriote de l'époque étant beaucoup plus portés sur la danse que sur le drame et la vocalité. Les "Talens Lyriques" parce que chacune des entrées représentait le triomphe de la Poésie, de la Musique et de la Danse. Trois entrées matières à un spectacle total alliant chant, danse, chœurs et musique instrumentale, tout sauf le théâtre et la littérature qui sont les malheureux oubliés du lot.

Mais bon après tout, quand on a le don de susciter les émotions les plus subtiles sans le soutien du texte, pourquoi s'en encombrer, comme a déclaré un de ses contemporains : "Rameau s'est targué de pouvoir mettre en musique "la gazette de Hollande", je viens bien le croire il y a mit les "Talens Lyriques"."

Ici Gardiner s'est contenté d'enregistrer la Danse, pourquoi j'en sais rien. C'est certainement la partition de Rameau qui se rapproche le plus des couleurs de Watteau. Pleine de cette sourde nostalgie de choses qui n'ont jamais été que dans notre imagination, et auxquelles nous n'avons malgré tout pas tout à fait renoncé à croire.

Un éden auquel nous cédons, le temps des quelques minutes de la musique la plus gracieuse, la plus délicate, la plus joyeuse et pourtant la plus profondément triste qui n'ait jamais été écrite. Mais de la plus belle des tristesses, sans amertume, sans ressentiment, sans affliction, dans l'acceptation de la vie telle qu'elle nous est donnée, et qui veut continuer à nous faire croire à ces rêves qui nous envahissent et nous font espérer à un monde meilleur. "Cette musique est enchantée" disait un autre contemporain de Rameau, le plus étrange dans tout ça, c'est qu'après deux siècle et demi, elle le soit encore.