Les Porches est pour moi le chef d'œuvre studio incontesté de Maneige. Dès son ouverture on sent qu'on plie les genoux devant un album qui marquera à jamais. La musique peut nous faire plier les genoux et nous faire monter au ciel, c'est mathématique comme Bach qui aurait résolu l'équation de l'émotion musicale conjuguée à la construction chromatique !
Oui, je vous le confesse on entre dans Les Porches comme dans une église mythique. L'intro est de toute beauté et touche au sacré. Et quand le piano jaillit nos oreilles sont bénies.... La construction dramatique intense qui mène au chant de Raoul Duguay est parfaite. Nous nous dirigeons vers l'autel prêt à marier Maneige pour la vie. La mariée est ensorcelante et debout devant les portes de la vie nous tombons à genoux devant tant de splendeurs. La flute et le piano en cascades amènent la poésie de Duguay au Nirvana de la foi musicale. En outre (c'est le cas de le dire)c'est sans contredit la plus immense prière de notre poète apostolique peace and love Québécois flyé. Aspirations profondes de l'être humain, le texte reflète la grâce incroyable que nous avons d'être en vie ! Ils nous faut être le vitrail transparent de notre dite vie, solennellement ensoleillé. C'est notre devoir et cela se situe à l'opposé de la noirceur des existentialistes. C'est alors que Duguay, pour la finale du morceau, prend sa trompette magique et nous blow le plus beau solo avec cet instrument que le Québec ait jamais donné à la musique universelle. Avec la finale endiablée,Maneige a fait de l'église désertée une cathédrale où la guitare électrique se fait carrément rock et ébranle les colonnes du temple de ces musiciens classiques puristes, enfin libérés de leur éducation musicale. C'est la béatification !
La face 1 se conclut sur un morceau très classique et magnifique ironiquement appelé : La Grosse Torche. Pied de nez au classique ?! Pied de nez au sacré !
Les Aventures de Saxinnette et Clarophone s'ouvre sur un cheval dans le désert ( on dirait Lucky Luke le traversant ) Il y a de fortes réminiscences de Gentle Giant pendant quelques secondes mais le “free-jazz ” chaleureux et inspiré de Maneige l'emporte sur la technicité du gentil géant. Le morceau se développe sur un 15 minutes où toutes les libertés sont prises avec succès. Il y a des passages absolument fantastiques avec le xylophone et un piano rythmique....c'est impossible à décrire tant la liberté est grande et le groupe est riche et profond (sans lourdeurs) . Nous sommes dans une pâtisserie fabuleuse et les cuisiniers Saxinette et Clarophone nous offrent des mélanges divins. On est emporté dans cet univers où tous ont déserté l'église Outremontoise sauf ces gamins qui jouent, qui tournent avec leurs instruments où ils laissent passer la lumière comme s'il s'agissait de somptueux vitraux, comme un sermon à en perdre haleine...Le piano revient lancinant hypnotisant et nous volons de sommets en sommets vers la canonisation...comme des pigeons fous dans une cathédrale ouverte .
Chromo est le dernier morceau de l'album, c'est la pièce la plus intellectuelle et en même temps la plus enjouée de l'album. Les musiciens sortent de la cathédrale qu'ils ont bâtie en dansant . Troubadours doués devant l'éternel, en s'amusant comme des hérétiques ils ont solennellement ensoleillés un lieu délaissé par le sacré...nos cœurs musicaux.