Le meilleur des sédatifs en vente libre". C'est par ces mots qu'un présentateur taquin et admiratif introduisit l'un des concerts français de Leonard Cohen au milieu des années 1970. On serait assez tenté de recycler l'expression pour décrire aujourd'hui la musique des Kingsbury Manx. Le pied déjà bloqué sur la pédale de frein l'an dernier, les quatre Américains parviennent à ralentir encore un peu le mouvement sur ce Let You Down plus alangui que jamais. Les feux peuvent bien se déclarer sur tous les lacs du monde. Il ne faudra pas compter sur eux pour les éteindre à l'heure de la sieste. À ce rythme-là, on ne peut évidemment pas s'attendre à ce que le son du groupe évolue radicalement en un an. Kingsbury Manx, épaulé par Brian Paulson, producteur du mythique Spiderland de Slint, se contente donc d'affiner les contours de sa musique, déjà bien esquissés sur son premier album éponyme. Guitares acoustiques et orgues envapés, mélodies pop déroulées à deux à l'heure, nos dormeurs éveillés offrent une répétition agréable de leurs débuts discographiques et leurs qualités d'écriture finissent par atténuer la frustration due à l'absence de véritable émotion inédite. Laissons donc encore un peu de temps à The Kingsbury Manx pour amorcer d'éventuelles mutations. On serait prêt à le parier : chez ce groupe décidément plus tortue que lièvre, la lenteur n'est pas synonyme de médiocrité.(Magic)


Tous les ans, les rédacteurs de POPnews font leur classement personnel des dix meilleurs disques de l’année et ces palmarès sont ensuite amalgamés et synthétisés pour devenir (ouvrez les guillemets) « le Top Ten de la rédaction ». Si la sélection de dix albums sur douze mois s’avère souvent une entreprise hasardeuse (et avec le recul pas toujours judicieuse), en 2000 les Kingsbury Manx s’étaient à mon sens imposés à la régulière, avec un premier album cotonneux, alliant le meilleur des High Llamas pour les arrangements amidonnées et d’Elliott Smith pour le potentiel d’écriture. Avec le recul, ce disque reste une référence dans le genre narcoleptique et « Let you down », paru à peine un an après enfonce tellement le clou de la ballade léthargique qu’on en vient à se demander si les Kingsbury Manx n’ont pas été étouffés sous l’oreiller.Lente et minimaliste (sauf sur le pénible « Patterns shape the mile », grossière faute de goût s’il en est), la musique de ces quatre copains de fac n’a pas besoin d’effets pour séduire, mais réussit un vrai travail de sape des fonctions auditives en réussissant à rendre indispensables des mélodies qu’on jugerait à la première écoute d’une grande banalité. En douceur, avec un simple tricot de guitares acoustiques et des harmonies vocales diaphanes, le groupe parvient à faire partager ses émerveillements, ses douleurs, ses angoisses et ses fascinations. En dire beaucoup tout en en faisant peu, tel est le credo des Kingsbury Manx qui, dans leur registre étroit (la pop valium mi-planante mi-oppressante) ont définitivement largué la concurrence. Et puisqu’on approche de la période des vœux, souhaitons en deux aux Kingsbury Manx : résoudre leurs problèmes personnels (l’album est sombre, voire lugubre sous bien des aspects alors que du premier émanait une certaine espièglerie qui le rendait encore plus attachant) et se dégotter un producteur plus audacieux que le pâlot Brian Paulson, qui pourrait tirer leur musique vers des nouveaux horizons sans sacrifier ce qui fait leur spécificité. Et sans trop savoir pourquoi (enfin si, un peu : pour jouir du choc des contrastes), je verrais bien Steve Albini dans ce rôle.(Popnews)
bisca
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le 3 avr. 2022

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