Levitate
6.9
Levitate

Album de Idaho (2001)

Depuis le départ de John Berry, Jeff Martin est le tenancier de la maison Idaho. En un mot, Martin est Idaho. Soit une poignée de disques de folk atmosphérique, une formation fluctuante au gré des saisons, quelques (trop) rares concerts et des clichés joliment flous. Idaho fait tout pour devenir une légende underground, un groupe culte aux disques difficiles à dénicher, mais vénéré par quelques communautés d'aficionados. Il arrivera à ses fins, certainement, et voilà bien là tout le mal qu'on puisse lui souhaiter. À l'instar de Songs:Ohia, le groupe utilise des guitares à quatre cordes (et non des basses), afin de mieux limiter encore les fréquences d'un spectre sonore déjà fort peu encombré, à la limite du silence. Comme ses comparses de Dakota Suite, Martin et ses musiciens marient tradition folk et musique ambient. Comme Will Oldham, Idaho ne renie pas ses racines. Il les révère outrageusement, anarchiquement parfois. Lorgnant à l'occasion sur les récents enregistrements de Radiohead notamment pour les parties vocales , les chansons de Levitate ne se soucient guère des conventions et oublient bien vite toute convenance pour plonger dans une ascèse instrumentale apaisante interprétée, le plus souvent, sur un simple piano droit. C'est à peine si l'on entend ces guitares en bois effleurées, ces batteries balayées dans l'ombre d'un studio qu'on imagine clos, retiré du monde et où l'on peut voir voler la poussière dans un mince filet de lumière. Et même s'il n'apporte rien de plus à la discographie imposante de son auteur, ce nouvel Lp mérite néanmoins un détour.(Magic)


C’est l’histoire d’un groupe sortant régulièrement des disques qui, dans un monde parfait, seraient gravés directement dans le marbre (et si vous trouvez que j’exagère, tant pis). L’histoire d’un type approchant la quarantaine qui continue envers et contre tout à croire en ce qu’il fait. C’est donc le sixième album d’Idaho (sans compter le fabuleux live People Like Us Should Be Stopped) qui sort bientôt sur Idaho Music, le label qu‘ils ont créé en 2000 avec le revenant John Berry (co-fondateur du groupe en 1992) et Dale Stewart. Et il est permis d’espérer qu’il aura plus de succès que les cinq précédents, ce qui ne devrait pas être difficile vu la scandaleuse indifférence (à mon sens en tout cas) qui entoure leur discographie. 

Maintenant que j’ai fini d’essayer de vous culpabiliser, à quoi ressemble ce disque? C’est peut-être le premier album "révolutionnaire" d’Idaho, celui qui marque la plus grande rupture (ou la plus grande évolution) avec le passé. Et c’est probablement leur meilleur album à ce jour.
Jeff Martin n’essaie même plus de faire croire qu’il y a du monde autour, que plusieurs musiciens se sont réunis pour faire ce disque. En dehors d’Alex Kimmel à la batterie sur quelques morceaux, il est seul à bord. C’est tellement personnel qu’il a même dû oublier que d’autres que lui allaient écouter cet album. On ne s’en rend pas compte tout de suite, pourtant. Ça démarre comme du Idaho "classique", toutes guitares dehors, avec cette voix inimitable qui s’élance et s’arrête net pour murmurer, le temps d’un "Wondering The Fields" tout en rondeur et en ruptures de rythme, ou qui s’éraille à l’occasion sur "20 Years". Ensuite ça fout les larmes aux yeux tellement c’est à la fois lointain et intime, éthéré et organique, à commencer par le lumineux "On The Shore" et son piano en suspension. Comme si Jeff Martin s’amusait à nous voler nos souvenirs d’enfance pour les mettre en musique. Des souvenirs de vacances, de soleil et d’orages, d’après-midi à se croire éternel. De ceux dont on ne parvient jamais à se rappeler complètement et qu’on tourne en dérision parce que c’est plus facile. Levitate respire la tendresse, la tranquillité et la mélancolie sans pathos, comme sur "Santa Claus Is Weird", à dix mètres au dessus du sol. Quelques machines discrètes, quelques guitares, beaucoup de piano. Comme s’il s’était assis devant et s’était simplement laissé aller, par exemple sur "Orange", subtil et "nick-drakien" en diable. C’est donc l’histoire d’un type approchant la quarantaine qui continue envers et contre tout à croire en ce qu’il fait, même s’il n’est pas reconnu pour ce qu’il est : une des personnalités musicales les plus complexes et les plus riches qui soient.C’est l’histoire d’un type qui sort un album qui n’aurait pas pu s’appeler autrement que Levitate tant ce titre le décrit fidèlement. Un disque d’une élégance rare, introspectif et aérien. Un chef d’œuvre, quoi.(Popnews)

bisca
7
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le 1 avr. 2022

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