Tony Williams - Life Time (1964)
Encore un album que l’on n’attendrait pas sur le label Blue Note, celui d’un jeune musicien de… dix-sept ans ! Déjà leader et compositeur, le voici aux côtés de Sam Rivers, il faut dire, pour mieux comprendre les liens qui les réunissent, que le saxophoniste l’a embauché dans sa formation alors qu’il n’avait que treize ans. Tony Williams (alors appelé Anthony) a également déjà joué aux côtés d’Herbie Hancock et de Grachan Moncur III qui figurent sur cet album. Outre le pianiste et le vibraphoniste il faut également citer Richard Davis et Gary Peacock à la basse. Le personnel est tournant et ne joue pas sur toutes les pièces de l’album. On remarquera également que "Life Time", le titre de l’album est en deux mots et que l’expression n’en fera qu’un seul, lorsqu’elle désignera le nom du groupe de Tony Williams.
C’est ici très largement de la musique libre, improvisée à partir de structures et de thèmes écrits par Anthony Williams. « Piece of one » tient toute entière sur la première face de l’album. C’est une pièce calme, pleine de respiration, qui surprend inévitablement dans le contexte Blue Note. Ici il n’y a aucune surenchère, l’ambiance est feutrée, solo de basse, Tony Williams orne l’espace, dessine des arabesques, accompagne le soliste, s’efface, disparaît presque… C’est une poésie autour du silence qui s’organise, le ténor se retient presque, la batterie tempère et les deux basses se succèdent ou se soutiennent sur cette face surprenante.
« Memory » fait place à Bobby Hutcherson, Herbie Hancock et au leader, l’atmosphère est toujours peu dense et aussi clairsemée, cette « non-musique » peut désarçonner et interroger, il faudra beaucoup réécouter ce disque pour en saisir l’épaisseur, quand j’en ai pris possession il y a fort longtemps, ce n’est qu’en me familiarisant un peu plus avec la musique expérimentale que j’ai pu lui donner du sens, encore qu’il n’y ait qu’à écouter avec abandon et sans préjugé pour se laisser transporter tranquilou pour que ça fonctionne. Écouter le timbre, la vibration, l’intensité et le mouvement du son…
Pour que tout fasse sens, l’album se termine avec « Barb's Song to the Wizard » un duo piano/basse, sans Tony, parti.