Pharoah Sanders Quartet – Live At Fabrik Hamburg 1980 (2023)
Une nouveauté pour changer, bien qu’elle ressuscite un concert ancien, donné le six juin quatre-vingts à la « Fabrik » de Hambourg, par le quartet de Pharoah Sanders. Ce dernier est au ténor et se fait accompagner par le fidèle John Hicks au piano, Curtis Lundy à la basse et Idris Muhammad à la batterie, celui-ci s’offre un mini solo vers la fin du titre d’ouverture « You Gotta Have Freedom ».
Parlons un peu de ce qui fait que Pharoah est Pharoah, je parle de ce cri, né très tôt dans son jeu, dont il jouait et même, peut-être, abusait au temps de la jeunesse, bien que pour moi il n’est jamais arrivé qu’il me lasse. Ce cri venait de loin et exprimait à lui seul toute la générosité contenue dans le jeu surpuissant du saxophoniste. Il exprimait à la fois le don de soi et le plaisir du dépassement, tout donner et ne rien garder, jusqu’à l’épuisement, souffler encore et encore, et voir les foules se soulever…
Mais ça ne peut durer qu’un temps, le corps possède ses limites et il ne sert à rien de vouloir le forcer, sinon se mettre en péril, avec le temps le cri s’est amenuisé, est devenu plus rare, mais les aficionados s’en contentaient, c’était déjà beaucoup, car tout revenait, les plaisirs anciens augmentés du plaisir de l’instant.
Alors le cri s’est petit à petit domestiqué, n’intervenant plus vraiment comme une surprise, car on le sentait préparé, mais c’était déjà énorme de l'entendre, et c’était déjà beaucoup, largement suffisant pour plaire à son public reconnaissant, alors écoutons cette première face « You Gotta Have Freedom », en profitant à plein de ces moments rares.
La face B est la plus courte, les treize minutes d’« It’s Easy To Remember » passent très vite et permettent à Curtis Lundy de nous offrir un magnifique solo de basse sur cette jolie ballade signée Richard Rodgers, c’est un genre que Pharoah aime et auquel il s’est exclusivement livré sur plusieurs albums.
La face C est occupée par « Dr. Pitt », la pièce s’étale sur plus de vingt minutes, elle fait partie des morceaux qui sont très souvent joués en concert. Le piano de John Hicks dessine un thème très stimulant qui évoque la fête ou la liesse. Pharoah ouvre la ronde des solos et s’envole le premier dans un effort sans surprise oserait-on dire, c’est-à-dire tout bonnement excellent et digne de son art, avec quelques-unes de ses embardées légendaires, qui sont sa marque.
Le concert s’achève avec le fameux « The Créator Has A Masterplan », son hymne à lui, et enfin avec le magnifique « Greetings To Idris » qui plie le set et clôt dignement cet enregistrement qui est très honorable, bien qu’il n’apprenne rien de plus aux amateurs déjà bien pourvus en enregistrements du Pharaon. Les autres pourront se plonger avec plaisir dans les méandres de ce très bon concert, dans un lieu qui deviendra mythique et entrera dans la légende.