Steve Coleman And Five Elements – Live At The Village Vanguard Volume II (MDW NTR) – 2021
Celui-ci attendait patiemment son tour, c’est encore un double Cd, bien plus plein que le précédent, on frôle les limites de stockage, c’est dire qu’il faut plus de deux bonnes heures et dix minutes pour en venir à bout, pourtant ça passe vite, peut-être la magie du lieu, le Village Vanguard rempli de légendes, j’imagine ce que cette scène représente pour un musicien, entre peur et consécration, un mélange qui doit donner envie de tout donner…
L’enregistrement live s’est déroulé en mai 2018, la patronne iconique des lieux, Lorraine Gordon, est attablée toujours au même endroit et les musiciens qui quittent la scène doivent passer devant elle. Chacun sait qu’elle n’est guère commode et qu’elle ne mâche pas ses mots. Il se raconte même que la matriarche aurait frappé un musicien qui se faisait la malle par la porte de derrière, pour aller voir sa petite amie…
C’est pourquoi il y avait ce soir-là comme une légère tension, c’était en effet la première fois qu’un rappeur montait sur la scène la plus prestigieuse du jazz. Par bonheur le « Steve Coleman And Five Elements » fit un malheur et le public se montra très enthousiaste, et c’est avec un sourire que « Koyaki », vocaliste et rappeur, fut salué par la reine des lieux lorsqu’il passa devant elle, lui disant « Tu es merveilleux ».
Âgée alors de quatre-vingt-quinze ans elle décéda quelques semaines plus tard, un fait qui ne découle pas de ce qui précède, car le rap ne tue pas si longtemps après ! Sa vie fut bien remplie, elle fut l’épouse d’Alfred Lion, patron de Blue Note, puis de Max Gordon, propriétaire du Village Vanguard. Elle s’occupa et pris soin, elle aussi, tout comme « la baronne », de Thelonious Monk…
Peut-être êtes-vous, tout comme moi, intrigués par la présence de ces hiéroglyphes en tant que thématique principale pour la décoration de cette pochette. C’est que Steve Coleman s’intéresse à l’Égypte ancienne et plus particulièrement à la Géométrie Sacrée Égyptienne qui est à l’origine des hiéroglyphes, et cet énigmatique « MDW NTR » qui se trouve à la fin du nom de l’album est lui en rapport avec la parole divine des Dieux anciens.
Je ne veux pas faire de prolongement avec les vieux totems que sont les « Live At The Village Vanguard » de Sonny Rollins et de John Coltrane ou même le « Sunday At The Village Vanguard » de Bill Evans ou la suite extraordinaire des soirées d’Art Pepper absolument bouleversantes, mais…
C’est du très, très solide ! Steve est bien sûr avec son sax alto, on l’a compris, le rappeur Koyaki se fonde avec mesure et intelligence dans ce « flow » jazzy, Jonathan Finlayson est à la trompette, Anthony Tidd à la basse et Sean Rickman à la batterie.
La seule question que je me pose c’est de savoir quelle sera la réponse de la postérité face à cet album exceptionnel, entrera-t-il, lui aussi, dans la légende ? Sera-t-il l’objet d’un culte comme le furent ses illustres prédécesseurs ? Le temps finira par donner sa réponse, mais vous n’êtes pas obligés d’attendre jusque - là pour vous faire, par vous-même, votre propre idée…
Voici le morceau d'ouverture , prélude à une chaude soirée!