Depuis Vespertine, Björk nettoie les placards, fait l'inventaire, soulage les disques durs. Depuis deux ans, elle ne s'exprime ainsi plus qu'en coffrets, seul format pouvant dignement prendre en compte sa boulimie d'expériences et de transmutations. Car Björk, qui a grandi dans le jazz libertaire, puis s'est révélée à elle-même dans la dance-culture anglaise, a été exposée aux deux meilleures écoles pour savoir qu'une musique n'est jamais figée, inscrite dans le marbre d'une tombe : chez elle, les thèmes sont donc ouverts à toute digression. Une habitude prise dès les Sugarcubes, qui avaient déjà abandonné leur musique à une armée d'électroniciens. Björk continuait avec Debut, premier album à l'electro malicieuse mais immédiatement relu par une acoustique luxuriante et dérangée à l'occasion d'un grandiose MTV Unplugged, ici intégralement inclus. Pour représenter Post, elle offre un concert célèbre au Shepherd's Bush de Londres, pimenté de quatre performances télé (dont Taratata, avec Michel Legrand). Mais c'est avec les versions live de l'indépassable Homogenic ou de Vespertine, enregistrées ici et là au gré des périples, des rencontres et des désirs, que l'on mesure l'insolente liberté, la marge de man'uvre XL que Björk peut octroyer à ses morceaux. Jamais esclaves des disques durs qui les nourrissent, des routines de cordes ou des compromis minables de vie en groupe, les chansons n'en font qu'à leur forte tête, sautent les humeurs, vagabondent. Ici, comme sur un DVD bonus, le live redevient une vaste aire de jeu, la scène un tremplin vers l'inconnu. "En état dœurgence, voilà où je veux être", chante-t-elle. (Inrocks)