D’abord, il y a cette voix, perchée très haut, tendue vers le ciel, comme pour échapper à la gravité des tourments terrestres. Une voix cousine de celle de Barry Gibb ou de Brian Wilson. Une voix “de tête”, pas seulement par opposition à celle qui techniquement vient du ventre, mais aussi parce que cette voix-là ne se préoccupe que des tracas de l’esprit et du cœur, et semble ignorer ce qui se passe au niveau du bassin.
C’est une voix blanche et innocente, sans âge, sans sexe. Une voix mixte et intemporelle… Et puis, il y a les chansons, petits trésors de délicatesse, gorgées de mélodies rayonnantes dont chaque détour procure une bouffée de nostalgie. Il y a Saturday Waits, une chanson qu’on a l’impression de connaître dès la première écoute et qui bouleverse encore à la trentième. Et puis I Am The Odd One, meilleure ballade de Grandaddy depuis que Grandaddy n’est plus. Il y a une guitare acoustique, qui offre à l’édifice une charpente folk, des instruments à vent qui viennent lui donner une touche champêtre, quelques touches synthétiques et une batterie qui rejoint la troupe quand la machine s’emballe. Après un premier Lp (Sologne) assez décevant paru il y a quelques mois à peine, le très prolifique Emil Svanängen signe ici l’un des plus enthousiasmants disques folk pop de l’année, dans le registre spécifique des grands couillons au cœur brisé. À tous ceux qui chérissent If You’re Feeling Sinister (1996) de Belle And Sebastian et Rehearsals For Departure (1999) de Damien Jurado, ceux que font chavirer Sufjan Stevens ou Chris Garneau, ce Loney, Noir devrait procurer quelques inestimables moments de ravissement. (Magic)
Pour ceux qui n'auraient pas encore bien compris, il est temps de se pencher sur les trésors de moins en moins cachés de Loney, Dear. Parce que ça n'arrivera pas tous les jours, qu'un individu surgisse ainsi de nulle part, sinon de sa chambrette suédoise, avec déjà sous le bras, prêts à la livraison, deux albums aussi attachants que "Sologne" et donc ce "Loney, Noir", également enregistré en 2005. Que dire, sinon que la douce magie opère encore, dans une tonalité ce coup-ci plus pop que folk. En creusant un peu, on pourra même concéder au sieur Emil Svanägen qu'il y peaufine l'art consistant à partir d'une trame parfois anodine pour la faire mousser en une mini-symphonie tous azimuts. Et là, il y a l'embarras du choix, entre de l'extatique ("Hard Days", "Carrying a Stone"), quelques embardées rythm'n'blues ("No One Can Win") ou le wilsonien "I Am the Odd One". Sans compter qu'il envoie encore, mine de rien, un petit tube, histoire de décorer ("I Am John", parfait pendant à "The City, The Airport" sur "Sologne" pour continuer à taper béatement dans ses mains) ou une petite perle pop laid back à l'incontournable goût de revenez-y ("And I Won't Cause Anything at All", comme un Josh Rouse qui aurait retrouvé les vertus du "trabajo"). Un tel sentiment d'abondance rappelle bien sûr immanquablement un certain Sufjan S., même s'il convient de signaler que notre homme enregistre depuis 2003, et que ses deux premiers opus n'ont pas encore passé nos frontières. Comme il nous promet déjà pour l'an prochain un rejeton nommé "Dear John", le voilà donc menacé par le terrible syndrome du cinquième album. C'est dire si nous sommes loin du "Sinister in a State of Hope" qu'il semblait pourtant nous annoncer.(Popnews)