Début 2007, les jeunes Californiens des Cold War Kids publiaient un premier album brut et passionné de leur roots rock écorché sur lequel on s'était emballé. A l'image des incandescentes prestations scéniques du groupe, leurs chansons intenses et rugueuses, portées par le chant haut perché, puissamment écorché de Nathan Willett, étaient tout sauf de l'easy listening. Au point, il faut l'avouer, qu'on éprouvait parfois du mal à écouter l'album dans son intégralité. Loyalty to loyalty est remarquable de ce point de vue : mieux produit mais jamais policé, il offre un confort d'écoute sans altérer ni diluer le propos alarmiste ni le ­style tranchant du quatuor. Plus soul qu'auparavant, les Cold War Kids creusent un sillon rageur qui évolue entre l'univers de Jeff Buckley et celui de Tom Waits, évitant les excès de l'un comme ceux de l'autre (l'emphase mélodramatique ou la cacophonie). Surtout, là où l'on craignait que la formule puisse se heurter à ses limites en sombrant dans le maniérisme et la répétition, les Cold War Kids ont progressé dans l'écriture de chansons : exploitant une palette sonore toujours aussi ténue que tenue (grand piano, guitares acides, basse sinueuse et percussions sobrement inventives), ils signent ici une douzaine de titres du niveau des deux ou trois meilleurs morceaux de leur essai initial.


Au coeur de Long Beach, Californie, se trouve l’un de ces commerces de proximité qui semblent appartenir à une autre époque. Tenu par une poignée de rêveurs qui mènent leur barque avec l’insouciance des passionnés, Fingerprints est un record store à l’ancienne, voué à faire le bonheur des pêcheurs de perles musicales : on y trouve des bacs d’occasions où les oeuvres des ex-grands espoirs de la pop et du rock prennent la poussière, des rayonnages remplis de coffrets millésimés, ou encore des étagères sur lesquelles le client de passage peut découvrir les productions locales. Régulièrement, la boutique programme aussi des miniconcerts gratuits, ouverts aux formations qui désirent jouer leurs nouvelles chansons à la bonne franquette. 

En cette soirée de fin septembre, ce sont les Cold War Kids qui se plient à l’exercice. Sur une scène de fortune dressée entre deux présentoirs à CD, les quatre membres du groupe font vaille que vaille chauffer leurs instruments et crachoter leurs amplis : un contexte qui doit leur rappeler le temps pas si lointain où ils n’étaient qu’une bonne petite sensation de quartier. Dans leur mise comme dans leur attitude, rien, d’ailleurs, n’indique qu’ils ont défrayé la chronique avec leur premier album, Robbers & Cowards, bien placé dans les palmarès de 2006. Aucun signe d’appartenance à la haute société du rock, pas de concession à la mode ni de posture de héros.
Ce soir-là, les Cold War Kids ne sont qu’une bande de potes de Long Beach, venus mettre un peu d’animation chez leur disquaire favori. “Nous habitons tous à deux pas d’ici, explique le chanteur et guitariste Nathan Willett. Long Beach, c’est notre base arrière, notre point d’ancrage. Ce n’est pas ici qu’on cédera aux vanités du monde musical.” Los Angeles, avec son business surpuissant et son agitation savamment entretenue, n’est pourtant qu’à une heure de highway. Mais Long Beach est une autre planète, un coin de province dont les Cold War Kids sont les bienheureux habitants. “Il règne ici un esprit de communauté auquel nous sommes très attachés, remarque Willett. Ce thème est d’ailleurs au centre de notre nouvel album. Son titre, Loyalty to Loyalty, renvoie à un texte écrit au début du XXe siècle par le philosophe Josiah Royce. Opposé à Nietzsche et à sa notion de “surhomme”, il pensait qu’en encourageant chaque individu à s’élever au-dessus de ses semblables, on risquait de faire disparaître tout idéal communautaire. C’est aussi notre point de vue. Chez nous, il n’y a pas de singer-songwriter vedette ni de compétitions d’ego : il y a quatre voix distinctes, qui s’expriment de manière égalitaire pour mieux s’accorder.”
Cet esprit de corps faisait tout le prix du premier album des Cold War Kids. Il donnait un surcroît de densité bienvenu à un disque composite, où s’entrechoquaient swamp-blues, chanson de bastringue, soul blanche et rock névralgique à la Radiohead. Il a surtout transformé ce groupe en une bête de scène étonnante de puissance et de vulnérabilité – l’un des rares à donner l’impression de jouer sa vie à chaque seconde. “C’est en concert que nous nous sentons le mieux, note le bassiste Matt Maust. L’univers des studios, lui, ne nous est pas vraiment familier. On y reste le moins de temps possible, car on y devient vite superstitieux ou paranos. Nous ne sommes pas doués pour cogiter pendant des jours sur une chanson : en cinq prises maximum, il faut qu’elle soit dans la boîte.”
Ce goût pour la combustion spontanée, qui provoque tant d’étincelles en concert, peut se révéler plus problématique sur disque : Loyalty to Loyalty a déjà essuyé les critiques de certains arbitres des élégances (comme le site Pitchfork), qui lui reprochent son côté décousu. L’accusation est recevable, mais elle ne cerne pas vraiment les enjeux esthétiques soulevés par des musiciens qui, comme les trublions anglais de The Coral, assument la versatilité de leurs humeurs et de leur inspiration.
On trouvera donc un peu de tout dans Loyalty to Loyalty : des petits plantages (Something Is Not Right with Me, ronflante machine discorock vite grippée) et de vraies réussites (les enflammées Welcome to the Occupation et I’ve Seen Enough, où Nathan Willett et son falsetto cinglant tutoient le Tim Buckley de Goodbye and Hello), de franches montées d’adrénaline (Mexican Dogs, Every Man I Fall for) et de troublants faux calmes (Avalanche in B, Cryptomnesia). Tout, ici, trahit en tout cas la volonté de porter la matière musicale à son plus haut degré de vibration, sans calcul ni précaution.
A rebours de la pensée dominante, qui voudrait qu’un disque porte forcément l’empreinte d’un accomplissement, les Cold War Kids préfèrent eux célébrer la vérité brûlante et fugace de l’instant. Une démarche qui les expose sans doute à la menace de l’approximation, mais qui fait incontestablement d’eux un groupe de rock plus vivant que la moyenne. (Inrocks)


Nathan Willet use un peu moins d’images religieuses que dans Robbers & Cowards (2007), mais cultive toujours les sujets socialement lourds, maniés avec une délicatesse toute relative. Son écriture comme sa voix fervente sont à la fois les atouts majeurs de Cold War Kids et les principales sources d’agacement. Le chanteur est trop souvent du mauvais côté de la surexpression. 

Comme celui de Bono ou Jeff Buckley (ce dernier étant une référence évidente), le chant de Nathan Willet aspire au messianisme et cultive une vision glorieusement dramatique du monde qui ne s’embarrasse pas des grisés. Le groupe de Fullerton (Californie) a élaboré une version littéraire (livresque ?) des musiques du Sud des États-Unis, qui en ressortent inhabituellement raffinées, malgré les sons vintage. Les morceaux sont plus souvent composés au piano qu’à la guitare, et ça s’entend.
Cette voie singulière, basée sur une vraie expertise des variations de tension, ne réussit pas toujours à générer le maelström d’émotions poignantes auxquelles elle aspire. Finalement, les meilleurs morceaux sont les plus atypiques : Relief, où Willet laisse sa voix s’échapper dans les hauteurs, ou encore Something Is Not Right With Me, avec sa basse discoïde et son attaque plus franche qu’à l’habitude.(Magic)


Deux ans à peine après "Robbers And Cowards", leur remarqué premier album, les Cold War Kids sont de retour ; autant l’écrire d’emblée, les évolutions survenues en deux ans sont des plus discrètes, le blues-rock tendu pratiqué par les Californiens reste peu ou prou inchangé. Le chant de Nathan Willett est toujours haut perché, avec une voix forcée ; il est toujours d’une justesse relative. Les personnes qui avaient de ce fait développé une allergie au groupe n’en démordront pas (Something Is Not Right With Me ou Mexican Dogs leur donneront certainement du grain à moudre). Les autres retrouveront un style toujours percutant, des mélodies qui font souvent mouche et une véritable aptitude à créer la tension sur l’ensemble des morceaux.Dès Against Privacy, les ingrédients d’un son simple et direct sont posés : des guitares au son saturé très riche en médiums, fortement teinté de réverbération, une basse souvent en retrait (sauf sur le surprenant et discoïde Something Is Not Right With Me ou Relief), et une voix placée particulièrement en avant. Sur ces bases, les Cold War Kids tressent avec aisance des ambiances troubles ou franchement dépressives. Même les morceaux les plus calmes (Avalanche In B ou Every Man I Fall On) sont suffisamment tordus dans leurs mélodies ou leur construction pour pourvoir un sentiment d’urgence qui est la marque du groupe. Au rayon des surprises, on notera Golden Gate Jumpers, plus jazzy avec un piano très en avant et une ambiance laid-back qui sied particulièrement à la mélodie. Malgré un tempo balourd, I’ve Seen Enough, grâce à ses parties de guitare, vire vers l’étrange et le légèrement dissonant. Relief, plus funky, propose une étrange mixture de rythmes syncopées et de basses menaçantes. Enfin, Dreams Old Men Wear étonne avec quelques guitares surchargées d’échos très The Edge, et son refrain stadier à la Coldplay (alors que le couplet est plutôt sobre et austère). On connaît l’attachement des Cold Wars Kids à la spontanéité, leur refus assumé de toute stratégie, de tout calcul, d’un travail de studio approfondi. Ce nouvel album est en ce sens le parfait reflet de leur démarche : de l’allant, de l’énergie, des idées, mais pas de sélection, pas de réflexion, pas de liant pour accompagner le tout. Au final, les fans du groupe apprécieront à raison, les autres resteront rétifs à ces Kids turbulents. (indiepoprock) 
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le 27 févr. 2022

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