Lucky
6.5
Lucky

Album de Nada Surf (2008)

Grâce à l’éternelle allure d’adolescents relax arborée par ses trois musiciens, Nada Surf a longtemps été considéré comme un groupe de petits jeunes en éternel devenir. Mais c’est oublier que le groupe s’est formé en 1992, que son chanteur, Matthew Caws, vient de fêter ses 40 ans, et qu’il totalise aujourd’hui cinq albums, dont le tout nouveau Lucky. Nada Surf est passé, sans que personne ne s’en rende vraiment compte, d’espoir indie-rock à force incontournable bien installée dans le paysage musical.Le trio fait partie de cette génération de musiciens rock, avec Weezer et Fountains Of Wayne, à avoir tenu bon à la fin des années 90, quand rock et power-pop n’étaient guère à la mode. Un “vieux groupe” aujourd’hui influent et référence de toute une flopée de jeunes artistes qui font les beaux jours des blogs musicaux. Parrain involontaire de Girls In Hawaii ou Death Cab For Cutie, Nada Surf fait le lien entre les générations. Mais Daniel Lorca (bassiste) et Matthew Caws assument avec sagesse (et dans un français parfait) leur âge : “C’est cool d’être un vieux groupe, d’être là depuis longtemps. C’est toujours un peu un rêve. On se sent toujours jeunes, dans le bon sens du terme. C’est-à-dire que, quand on fait un bon concert, c’est fabuleux et toujours frais, mais on se rend compte que l’expérience, c’est bien aussi. On ne se prend plus la tête avec des questions de business – il n’y en a plus tellement aujourd’hui, parce qu’on est dans une situation plutôt confortable. On est là où on a toujours rêvé d’être : moyennement connus, un petit peu respectés, avec un public qui connaît nos chansons.” Ce qui n’a pas été sans mal. Passé leur tube Popular, en 1992, qui les a propulsés sur le devant de la scène tout en les reléguant vite fait dans la catégorie des one hit wonder – donc des losers –, Nada Surf n’a jamais été hype. Mais le groupe a su survivre à diverses embrouilles de maisons de disques. Tiraillé entre les majors réclamant des singles et ses propres velléités d’indépendance (“On voulait signer avec Matador, mais ils ne voulaient pas de nous !”), Nada Surf est sorti des zones de turbulence et a continué à faire ce qu’il aimait, se concentrant sur les tournées et le songwriting, avec passion et philosophie. Leur troisième album Let Go et le single Inside of Love, puis The Weight Is a Gift en 2005 leur ont apporté l’amitié fidèle d’une nouvelle base de fans. Lucky, dans la droite et solide lignée des deux albums précédents, est un disque dense et ardent dès son premier morceau, See These Bones, cinq majestueuses minutes de tension dramatique, de crescendo de cordes et de chœurs. Ballades (Beautiful Beat ; The Film Did Not Go ‘round) et pop-songs (I Like What You Say ; From Now on…). lui succèdent, toujours portées par la voix fervente de Matthew Caws. Les mélodies sont puissantes, égayées ou obscurcies au fil des morceaux par les guitares en demi-teintes, et rehaussées de chœurs, harmonies, violons et même une trompette (Ice on the Wing). Nada Surf est très à l’aise avec son songwriting, et ça s’entend : “Une chose qui me procure beaucoup plus de plaisir qu’avant, c’est les harmonies. Avant, je trouvais ça un peu intimidant, je ne savais pas comment on faisait. Et puis c’est venu naturellement. C’était une bonne surprise. Arriver à faire quelque chose de dense, des accords compliqués par accident, sans être jazzman (rires)… On est plus sûrs de nous maintenant”, explique le chanteur. Pourtant, ne contredisant pas leur look adolescent, les paroles parfois sombres (See These Bones) montrent un groupe souvent doux-amer, qui n’en a pas fini avec la recherche de l’absolu et les tourments, en perpétuel questionnement. “Si j’entends une chanson et que j’ai l’impression que la personne qui chante n’a pas souffert, je n’ai pas confiance. On ne peut pas avoir une perspective mélancolique sans avoir souffert un petit peu”, conclut-il.(Inrocks)
Rien n’a changé, mais ça n’a absolument aucune importance. Avec The Weight Is A Gift (2005), son quatrième Lp, Matthew Caws, Daniel Lorca et Ira Elliott avaient achevé le processus qui en faisait des maîtres de la ballade midtempo. Bizarrement, l’album avait plutôt moins bien marché en France que ses prédécesseurs (dont l’intouchable Let Go, 2002), malgré l’excellent single Always Love. Mais peut-on souhaiter un tube à Nada Surf ? En 1996, Popular en avait fait des aspirants stars, ce qui avait eu pour plus gratifiante conséquence de se faire virer de leur major en l’absence de hit sur l’album suivant. Souhaitons donc à Nada Surf une longue carrière à l’extrême limite des charts. Sans jamais forcer, la voix de Matthew Caws est toujours aussi intensément expressive. Elle possède même un rien de distance, ou plutôt de détachement, qui ne sonne pas comme un manque de conviction, mais comme la marque d’une pudeur touchante. Laquelle est idéalement secondée par les chœurs plus hauts perchés de son copain de lycée Daniel Lorca. Mais la véritable marque de Nada Surf est dans sa capacité à trouver l’harmonie originale qui va légèrement changer la perspective d’un morceau a priori conventionnel. Encore une fois, c’est ce qui fait superbement fonctionner le single et titre d’ouverture See These Bones, mais aussi Whose Authority qui démarre pourtant par un riff glorieux à la Springsteen. Neuf des dix titres (la ballade finale exceptée, The Film Did Not Go 'Round) déclinent avec brio le registre fétiche de Nada Surf .(Magic)
Nada Surf, un nom qui évoque, à lui seul, la nonchalance propre à l'adolescence. Qui ne se souvient pas du tubesque "Popular" ? Hit planétaire qui a - et c'est bien ça le problème - littéralement inondé les ondes en 1996, popularisant notre sympathique trio, propulsé, un temps, en haut des charts. Mais un tel battage médiatique n'est pas sans conséquence. L'auditeur, conditionné, perd toute notion d'objectivité et est relégué au rang de consommateur passif. Inévitablement, le bourrage de crâne organisé conduit à l'overdose. Aussi vite, l'artiste, décrédibilisé et étiqueté, connaît les revers de cette pseudo-notoriété et entame sa descente aux Enfers, usé par le mercantilisme, et un remplaçant radiophonique reprend déjà le relais tandis que les initiés auront, depuis belle lurette, détournés les yeux. "Popular" fait donc partie de ces produits non durables qui révèlent et tuent à la fois. Un morceau proscrit qu'on s'efforce d'oublier au risque qu'il vous poursuive toute la journée, avec cette pensée qui ne vous quitte plus : si je tenais celui qui m'a mis cette chanson en tête ! Beaucoup ne se relèvent pas de ce syndrome du feu de paille. Fort heureusement, les Nada Surf ne se sont pas laissé consumer. Malgré des déboires rocambolesques avec leur précédente maison de disques, ce qu'ils ont livré par la suite, non sans huile de coude, leur a progressivement rouvert les portes de la reconnaissance. Salués honorablement par la critique, "Let Go" (2002) et "The Weight Is a Gift" (2005) ont considérablement redoré l'image du groupe qui compte désormais, parmi ses fans, un plus large public. Ne faisons pas durer le suspense plus longtemps, "Lucky" confirme le talent indéniable des trois comparses. Mieux encore, il rappelle que les New-Yorkais ont dû nourrir le style de plus d'un groupe émergent dont les extraordinaires Girls in Hawaii, pour ne citer qu'eux. "See These Bones" introduit, à merveille, le sujet. Tout en crescendo, le morceau va jusqu'à faire penser au dEUS des bons jours. On reconnaît d'emblée la patte des Nada Surf. L'air y est frais, l'atmosphère évoque la nostalgie des virées estivales, vitres grandes ouvertes. A l'instar de leur allure adolescente, nos pourtant quadragénaires, ont su garder tout leur allant juvénile qu'ils concilient admirablement avec une riche expérience. Malgré les années, leur entrain à vouloir réinventer le monde demeure intact. On perçoit rapidement que les titres proposés sur "Lucky" ont fait l'objet d'un long processus de maturation, loin des contraintes du business. Rien à jeter. Les mélodies sont lumineuses et doucement mélancoliques. Les arrangements sont soignés et énergisants (clin d'œil au final cuivré de "Ice on the Wing"). Comme Matthew Caws (guitare, voix et cofondateur du groupe) le dit : "C'est cool d'être un vieux groupe, on se sent toujours jeune, c'est toujours un peu un rêve". J'ai envie de dire : ne change rien et continue à susciter le rêve chez l'éternel ado qui sommeille en nous. Espérons qu'ils n'attendront pas trois ans avant de sortir un sixième disque de jouvence. (Popnews)
Pour certains, la carrière de Nada Surf s’est arrêtée en 1996 avec la diffusion massive sur la bande FM de leur single planétaire, Popular. Si le succès populaire du milieu des nineties fut pour le groupe une bénédiction, ce fut également le début des emmerdes. Rapidement catalogués par certains dans la catégorie « one hit band », Matthew Caws et sa bande sont lâchés par leur maison de disque au moment de la sortie du successeur de "High/Low". Le label reproche à "The Proximity Effect" l’absence de singles du niveau de Popular...D’aucuns auraient courbé l’échine ou jeté l'éponge ; pas les New-Yorkais qui ont choisit de se battre. L’album sort finalement aux USA sur leur label créé pour l’occasion. Le groupe franchit le millénaire avec "Let Go", l’album de la consécration selon certains, celui de la maturité assurément. Assagi, le trio met quelque peu de côté sa colère adolescente pour délivrer de superbes ballades pop. "The Weight is a Gift", trois ans plus tard, enfonce un peu plus le clou et voit ces éternels teenagers lorgner de plus en plus vers une pop léchée."Lucky" repart sur les bases de ses deux prédécesseurs avec See These Bones, habile pop song dans la lignée des productions habituelles du trio, si ce n’est la présence de cordes et d’un Ben Gibbard échappé de Death Cab For Cutie. L’utilisation de plus en plus soutenue des violons (Beautiful Beat, Are You Lighting, Weightless) par les Américains est l’une des conséquences de la maturité artistique du groupe, du rock garage vers la pop véranda. Les ballades ont peu à peu remplacé les brûlots power-pop dans le répertoire des quadras, ce qui n’est pas toujours du goût de la frange la plus ancienne de leur auditoire.
Les aficionados de la première heure doivent désormais se contenter de titres tel que Whose Authority, Ice on the Wing ou From Now On pour voir la machine Nada Surf s’emballer. Pas de quoi réveiller les voisins cela dit ; pas de quoi faire la fine bouche non plus tant le trio maîtrise son sujet, à défaut de faire preuve d’originalité. Sans faire de vagues, Nada Surf confirme qu'il reste l'un des groupes majeurs du rock indé US. Leur dernier album figurera encore parmi les tout bons spots indés de l’année 2008. (indiepoprock)

bisca
7
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le 11 avr. 2022

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