Quatrième album personnel pour le compositeur américain Dustin O'Halloran. Avec « Lumiere », pour la
Le Californien, basé de longue date à Berlin, a une qualité certaine : il sait s'entourer. Alors que jusqu'à présent ses albums étaient des faces-à-faces entre lui-même et son piano ("Piano Solos" vol.1 et 2, "Vorleben"), cette première composition orchestrale bénéficie de soutiens de toute première qualité. Il est ainsi rejoint par le ACME String Ensemble of New York, qui a récemment collaboré avec Owen Pallett, Max Richter et Grizzly Bear, mais aussi Adam Wiltzie de Stars of The Lid à la guitare, du génial Peter Broderick au violon, du compositeur islandais Johann Johannsson au mixage et du touche-à-tout allemand Nils Frahm à la technique. Excusez du peu...
Le style cinématique de ses créations n'est pas resté longtemps inaperçu. Il a ainsi fait une apparition dans la bande originale du « Marie-Antoinette » de Sofia Coppola avec trois titres à son actif (« Opus #17, 23 et 36 »). Mais même en dehors des grands écrans, O'Halloran sait aisément créer des atmosphères qui lui sont propres. Illustration avec l'introduction « A Great Divide » où, pourtant, le piano disparaît assez vite du champ auditif. Les mélodies, les gammes utilisées, lui sont pourtant étrangement caractéristiques.
La suite de la démonstration démontre la réussite de cette étonnante transition. « Opus 44 », la seconde piste, redonne toute sa place au piano d'O'Halloran dans une pièce à la fois minimale (2'30 »), minimaliste (quelques bruits d'ambiance tout au plus) et pourtant d'une impressionnante force, aux faux airs d'un Peter Broderick ou d'un Olafur Arnalds. « Fragile n°4 » commence également par un élégant piano, dandinant d'un air joyeux, avant d'être rattrapé par de somptueuses vagues violoneuses. Ces allers-retours quasi-permanents entre minimalisme et grandiloquence, entre joie et tristesse ne lassent nullement, ce qui constitue en soi une grande prouesse.
Le « Quintette #1 » constitue le climax de cette symbiose instrumentale, perdu dans un torrent de sombres sentiments : les nappes de violons commencent par s'avancer en majeur, avant qu'une effrayante – et majestueuse – mélodie au violoncelle ne les rattrape, puis un délicat piano. Mélangez tous ces ingrédients pour vous faire transporter par l'une des plus belles mélodies offertes à nos oreilles depuis quelques années.
Le simple fait de transposer le style minimaliste d'O'Halloran à une pluralité d'instruments constitue déjà en soi un risque important. On pourrait effectivement reprocher au compositeur de conserver une similarité de registres mélodiques, jouant sur une fragile fibre émotionnelle. Attendons-nous toutefois à des créations encore plus aventurières dans les prochaines productions du néo-Berlinois...
Dustin O'Halloran ne devient pas pour autant une référence dans le modern classical : il en était déjà une. Mais il prouve que malgré ce statut, sa musique est encore capable de progresser dans la quête du « beau son », d'une certaine forme de grâce musicale, toujours espérée, rarement atteinte. O'Halloran, lui, y est déjà parvenu.
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