Plus jeune, Alan Silva a passé un bref moment dans l’Arkestra de Sun Ra, nul doute que c’est là qu’il a éprouvé cet attrait pour les grandes masses orchestrales. Pas moins de onze musiciens sont réunis ici, tous prêts à servir les desseins du leader. Vers la fin de la série "Byg actuel", celui-ci sera à nouveau la cheville ouvrière d’un grand rassemblement musical pour un projet encore plus fou, plus grandiose.


Alan Silva est bouddhiste, très croyant, il voit la vie au travers de ce prisme et a beaucoup travaillé sur lui-même. Pour lui tout, dans l’univers, est une manifestation de la « Loi merveilleuse ». Or, moins d’un mois avant l’enregistrement de cet album, l’homme a posé le pied sur la lune, on comprend mieux le titre choisi par Alan Silva, pour ce qui sera son premier album livré au public. Il a effectivement déjà enregistré « Skillfullness » mais la maison ESP n’a toujours pas trouvé les moyens financiers pour en assurer la fabrication et la diffusion.


Luna Surface va figurer la puissance de l’énergie véhiculée au travers du cosmos, l’auditeur sera plongé au beau milieu d’un magma sonore qui risque fort de le déstabiliser lors de la première écoute, s’il n’est pas familier des audaces sonores propres au free jazz. De la même façon que pour le « OM » de John Coltrane, par exemple, il va falloir peut-être digérer ce premier mouvement inquiet et écouter à nouveau ce que nous proposent les onze musiciens pour « entrer dans la musique » et accepter ce choc musical.


Que du beau monde, Alan Silva a délaissé sa basse au profit du violon dont il va jouer aux côtés de Leroy Jenkins, il est vrai qu’avec Beb Guérin et Malachi Favors, les assises de la musique sont parfaitement assurées. Claude Delcloo, décidément à son affaire lors de ces sessions, va pulser tout ce joli monde dans le chaos de l’univers, côté gauche Dave Burrell plaque des accords dans le registre grave de son instrument avec intensité, tandis que les cordes des violons sont frappées, grattées ou frottées. Les souffleurs, tels des nageurs dont on ne voit dépasser que les bras et la tête, s’extraient par gerbe de l’océan furieux et éructent leur vocifération, sans ordre apparent, poussés avec violence par une force intérieure irrépressible. Tout est cris, hurlements, bouleversements, une énergie énorme se consume en même temps qu’elle se régénère de l’intérieur… Puis, petit à petit, la colère s’apaise, cuivres et anches se taisent, seules les cordes s’expriment, avec volubilité, encore bruissantes et bavardes, basses et violons lentement se lassent et laissent les sept autres musiciens, avec douceur, se poser sur… l’astre lunaire !


Carrément plus qu’un simple album: une expérience !

xeres
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes BYG Records - La série "Actuel", Du Free Jazz sans concession! et "Ils voyagent en solitaire..."

Créée

le 1 janv. 2017

Critique lue 205 fois

1 j'aime

xeres

Écrit par

Critique lue 205 fois

1

Du même critique

Lanquidity
xeres
10

Un voyage dans le "Space-Jazz-Rock"...

Plus que tout autre, Sun Ra est une bibliothèque, il a parcouru, lu et écrit l'histoire du jazz, de l’intérieur, il a vécu les évolutions et participé aux révolutions. Membre actif de cette longue...

le 28 févr. 2016

27 j'aime

10

Bitches Brew
xeres
10

Critique de Bitches Brew par xeres

Ce qui frappe en premier lieu, c’est la beauté de la pochette créée par Mati Klarwein. On la devine symbolique, plus particulièrement quand elle s’offre déployée, pochette gatefold ouverte. On...

le 5 mars 2016

25 j'aime

9

Both Directions at Once: The Lost Album
xeres
10

Critique de Both Directions at Once: The Lost Album par xeres

« Il » est arrivé ce matin, bien protégé, sous cellophane, belle pochette avec deux triangles découpés laissant apercevoir la sous-pochette… Le vinyle avec le prestigieux macaron « Impulse »,...

le 2 juil. 2018

23 j'aime

7