Luxe, calme, volupté... Ennui.
Bonjour et bienvenue dans le merveilleux monde de Brian Eno. Détendez-vous. Respirez profondément. Étirez-vous, lentement, doucement. Enfoncez-vous bien confortablement dans votre siège. Fermez les yeux - mais pas trop, sinon vous ne pourrez pas bien lire ce qui suit.
Baladez-vous sur youtube pour trouver l'album en streaming. Voilà. Maintenant, appuyez sur play.
Avouez-le, on se croirait sur MyZenTV. Qui a dit que Brian Eno était élitiste ? Dès les premières secondes de Lux, sa musique vient directement capter vos sens et vos émotions. Les échos du piano amplifiés viennent trouver résonance dans la pièce où vous vous trouvez. Regardez autour de vous ; la musique s'empare de votre espace, et semble en faire un décor nouveau à vos yeux. La mélancolie réconfortante qui l'habite, ces notes murmurées qui s'étendent de seconde en seconde, vous conduisent à un état d'apaisement total. Vous vous sentez calme, reposé, bien en somme. Et doucement, progressivement... ben, vous vous endormez.
On ne présente plus Brian Eno, musicien accompli et respecté depuis ses premières expérimentations solo au milieu des années 70. Précurseur évident de la musique dite "ambient", il n'en est plus à son coup d'essai. Pourtant, son nouvel album Lux - paru le 12 novembre, toujours sur le label Warp - laisse l'impression du maître qui s'adonne à l'exercice de style, sans se fouler.
Décrire Lux revient à décrire les buts et propos de la musique ambient. Un genre qui peut facilement tomber dans la facilité ; on compare souvent cette musique à une sorte de bande-son de film sans film. De ce fait, elle implique l'auditeur en créant un décor, une atmosphère particulière, loin des règles de compositions "classiques". Eno, avec sa musique pour aéroport (1978) s'est fait le fer de lance de cette idée.
Dans le cas de Lux, l'instrumentation se résume au piano, de temps en temps un violon, et quelques effets électroniques. Plusieurs couches de sons vont venir se superposer, sans que le tout sonne comme une construction progressive ; on est plus dans l'idée d'un voyage sonore, ce qui est forcément séduisant. Un bruit continu et flou occupe constamment l'arrière-plan, sur lequel des notes de piano semblent flotter, sans but précis, dérivant aléatoirement ; il s'en dégage une impression de profondeur et de vide. Tout n'y est que fluidité et harmonie. La notion de rythme est presque effacée.
Alors oui, c'est "contemplatif", c'est "planant", et ce qui compte c'est "l'ambiance". Cette peinture automnale veut calmer nos angoisses, et on se laisse gentiment bercer par la musique. C'est bien là le problème. On remarque que c'est une musique qui n'existe pas pour elle, mais qui nécessite un contexte. Une expérience intéressante dans l'instant, mais rien de plus. C'est, au final, complètement superficiel.
Au delà de ça, l'album souffre d'une homogénéité qui conduit bien souvent au bâillement - évidemment, 75 minutes de notes de piano envoyées en l'air, ça finit par lasser. A la fin, on n'écoute plus la musique, on l'oublie, ce n'est qu'un bruit de fond. Comme si la musique se réduisait à l'état d'accessoire. Pour certains c'est là toute la qualité de l'ambient, son pied dans la réalité ; mais d'un autre côté cela conditionne l'auditeur, et l'enferme dans un panel de sensations éphémères.
L'album tient la route : Eno dépeint son univers avec élégance et sobriété, et ça s'entend. On sent qu'il maîtrise le sujet sur le bout des doigts. Malgré tout c'est l'ennui qui prime, et on passe vite à autre chose.