Aussi insaisissable que d’une fiabilité métronomique qui force le respect, Father John Misty a su se forger au fil des années et des projets une discographie de tout premier plan. Un virage indie opéré en 2012, avec un premier album sous cette entité nominale de gourou, et Josh Tillman enchaine depuis les disques de qualité où seule la forme évolue. La dernière fois, on l’avait par exemple laissé dans la peau d’un crooner plein de swing, dans une ambiance cabaret, pour Chlöé & the next 20th Century. Ou encore en grand magnat d’une pop baroque grandiloquente sur la doublette Pure Comedy/God’s Favourite Customer. Le fond, lui, n’a pas spécialement bougé par contre et FJM d’être cette voix à la fois puissante et suave en même temps qu’un très bon songwriter, dont l’écriture douce-amère, pleine de cynisme, fait mouche à chaque fois.


Mahashmashana (lieu de crémation en sanskrit) ramène le Père en terrain connu, celui fait de longues structures où l’instrumentalisation occupe une place centrale, quasi vitale. L’album démarre sur le titre éponyme, avec un morceau fleuve de plus de neuf minutes, histoire de bien se lancer dans le bain. Une orchestration symphonique sublime portée par des cordes, une émotion qui monte crescendo au gré des pensées et des mots couchés par Misty, n’en jetez plus : la coupe est déjà pleine.


Huit titres, la moitié dépassant les six minutes, tout le monde l’aura compris, le schéma va se répéter tout du long. Mental Heath ou Screamland sont fait de ce même bois ronflant, presque théâtral. Le mixage de ces titres est clairement fait pour en mettre plein les oreilles, les instruments viennent nous « tabasser » directement les synapses, la sensation est d’être pris dans un torrent irrésistible. Et Father John Misty, derrière, de nous susurrer avec un calme olympien sa vision pessimiste et/ou philosophique d’un monde cruel et ses tourments d’égo. Un effet « kiss cool » savoureux et une facilité d’interprétation absolument phénoménale, qu’importe le contexte (le final Summer’s Gone, somptueux).


Cette proposition rococo-pop haute en couleur s’accompagne en plus d’une belle idée, bien exploitée : rajouter un bon zest de rock dans la soupe. She Cleans Up et son vieux blues, le très « Gainsbourgien » Josh Tillman & the Accidental Dose, l’indie Being You apportent à la fois un lot de nuances bienvenues pour contrebalancer les montées épiques et viennent en même temps se marier à la perfection à l’ambiance par l’entremise de segments symphoniques en leur sein. Du grand art.


Bien évidemment, tout ce bon goût musical se fait en compagnie de son compère Jonathan Wilson, une fois encore au four et au moulin pour mettre en boite toutes les envies de FJM. Aucune fausse note, aucun temps mort, des moments d’anthologie, musicalement sophistiqué et d’une intelligence redoutable. Toutes les cases sont cochées pour en arriver à une conclusion implacable : voici un très grand disque.


[Issu de la chronique à retrouver sur Benzinemag]

AleksWTFRU
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Albums 2024

Créée

il y a 3 jours

Critique lue 12 fois

AleksWTFRU

Écrit par

Critique lue 12 fois

Du même critique

My Beautiful Dark Twisted Fantasy
AleksWTFRU
10

Le rap enfin au sommet de la pop culture

L'album ultime de la décennie. Celui qui a changé la donne musicale et donné le ton pour les dix années suivantes - et sans doute plus. My Beautiful Dark Twisted Fantasy est le disque qui a fait...

le 8 juin 2019

19 j'aime

UNE MAIN LAVE L'AUTRE
AleksWTFRU
7

Rap, rap, musique que j'aime...

Participant émérite des Rap Contenders, membre de 1995 et de toute la galaxie proche de Nekfeu, Alpha Wann a pris son temps pour sortir son véritable premier album. En véritable étudiant/amoureux de...

le 1 oct. 2018

18 j'aime

BLUE LIPS
AleksWTFRU
8

Si j'te dis que t'es tendu, t'es tendu, c'est tout !

S'il y a une chose à laquelle Schoolboy Q n'est pas particulièrement attaché, c'est bien la tendance. A l'heure du stream où il est de bon ton d'enchainer albums et hits, le rappeur californien...

le 4 mars 2024

16 j'aime